Communication de la journée du 12 décembre 2015 re-tours sur la névrose obsessionnelle

Comme cela a été dit une des questions de départ est celle de l’électivité de cette névrose quant au sexe. Si on en connaît l’électivité masculine, nos questions au départ de ce groupe de travail venaient interroger cette électivité du fait d’une recrudescence dans la clinique de femmes ou de petites filles semblant organiser leur rapport au monde sur un mode obsessionnel.

J’ai donc souhaité reprendre cette question à partir de mon étonnement : dans le séminaire de Charles Melman se pose peu la question de cette symptomatologie rapportée aux femmes.

Mon premier mouvement est donc de me dire que peut-être cette question est mal posée d’autant plus que Ch. Melman tente de rendre compte de cette névrose sur le plan topologique et structural. Il précisera que de toute façon « c’est la structure qui a le dernier mot ». En tout cas il ne s’agit pas de venir là évoquer la question de l’étiologie de cette névrose pour une femme, ce n’est pas mon intention ici, mais plutôt de questionner cette clinique nouvelle dans ce qu’elle vient dire pour une femme.

Je vais du coup tenter de rendre compte des questions qui se sont tissées au fur et à mesure de notre lecture à partir de ce fil.

Peut-être qu’une des façons de prendre le problème serait la suivante : un point est central dans ce séminaire et nous l’avons largement débattu ce matin c’est la proximité entre le fonctionnement même de la pensée et les processus psychiques à l’œuvre dans la névrose obsessionnelle. Néanmoins ce qui est remarquable c’est que, nous dit-il « l’espace psychique de l’obsessionnel fonctionne comme un espace fermé ». Il indique que c’est d’un défaut dans le processus du refoulement que procède la structuration du fonctionnement obsessionnel : à ne pouvoir retrancher du symbolique le reste inhérent à l’usage du signifiant il en découle que le reste produit par une assertion est refusé au champ de l’Autre, et est repris symboliquement dans le même espace. De fait il ne reste plus qu’à l’obsessionnel à tenter un écart maximum par la négation entre l’assertion et son reste (c’est le principe de l’émergence de la contre-diction).

Cet espace fermé, cet univers, est organisé en « plus (+)» et en « moins (-) » ce qui l’engage dans une logique binaire. Là on entend bien comment homme et femme « appartiennent dès lors à la même communauté », leur appréciation relevant du plus et du moins et il semblerait que ce soit le plus ou le moins phallique, qui permet ce que j’appellerai une comparaison. Donc pas un rapport d’altérité homme femme mais un rapport de comparaison entre semblables. « Plus » ou « moins ». Et Ch. Melman de souligner qu’« il est impossible de pouvoir trancher si ce rapport au phallus se caractérise par ce registre de l’être ou celui de l’avoir, puisque c’est dans la même communauté », je le cite à peu près.

Donc il y en a qui seront davantage marqués par « le plus », que d’autres, et l’obsessionnel fera en sorte que ce soit la femme qui le soit plus.

Vous voyez on peut aller jusqu’à dire qu’il a là une façon de faire valoir l’égalité des sexes.

Et peut-être de nous renseigner comment une femme obsessionnelle peut se trouver aux prises de se faire valoir dans cette économie du plus et du moins : cela l’engage dans cette comparaison aux autres, à tous les autres, les hommes comme les femmes et que donc c’est l’index « plus » ou « moins » phallique qui va l’orienter. (Indistinction du côté de l’être ou de celui de l’avoir).

Une première remarque ici : l’intervention de Pierre Ségaud nous a fait entendre ce matin la logique de notre discours social actuel « une obsessionnalisation de la normalité » (leçon VII deuxième année). S’y inscrivent à la fois cette logique de la parité homme-femme et donc un nouvel agencement de leur rapport (ou plutôt non-rapport). Ch. Melman à ce propos a pu parler d’une organisation autour de « tous copains ! » ce qui laisse bien entendre à la fois l’évacuation de la question du désir et celle de l’altérité.

Or, une femme est très sensible au discours de son époque dans la façon dont elle va « inventer » sa façon de se tenir comme femme. Elle peut se soutenir de la place que lui désigne le social pour faire reconnaître son être de femme. Cet appel à un copinage au masculin, ou peut-être devrais-je dire, à l’unisexe, n’est pas sans quelques conséquences : cela lui « facilite », mais je ne suis pas sûre que ce soit si facile, la possibilité de faire fi de l’altérité qui la concerne ne serait-ce que dans le fait qu’elle aurait à en être la représentante.

Voilà déjà un point qui nous permet cette hypothèse qu’une petite fille peut s’en trouver en quelque sorte inciter puisque l’altérité ne semble pas fonctionner dans cette économie.

Mon hypothèse ira plus loin : un des constats sur lesquels nous nous sommes appuyées est le suivant : nous avons pu relever dans notre clinique que ces femmes fonctionnaient dans leur rapport à leur mère à l’instar de ce que Ch. Melman reprend pour l’obsessionnel mâle et son rapport au père. Notamment en ce qui concerne la place et le comptage et de fait on pourrait dire la lignée.

Voici quelques remarques que je vous livre tous azimuts :

Il me semble que cela procède de cet indécidable entre le registre de l’être ou de l’avoir quant à ce que le phallique ou le moins phallique qui vient donner valeur.

Alors peut-être pour avancer un peu, il nous faut reprendre ce qui me paraît central dans le travail que nous amène Melman : une grande partie de la deuxième année de son séminaire est consacrée au problème de refoulement dans la névrose obsessionnelle. À nous inviter à revisiter ce processus il nous fait toucher de très près comme il le dit « les mystères de la création des conditions du parlêtre ». Pour l’obsessionnel, il pose comme hypothèse un défaut de refoulement, du refoulement après-coup, mais il nous montre que si ce refoulement après coup ne se fait pas et ramène l’obsessionnel à cette annulation ou isolation, c’est peut-être parce que le refoulement originaire se serait jamais parfaitement accompli. C’est là peut-être que l’on peut situer cette découpe de l’objet imparfaitement accomplie comme nous l’a montré Françoise Checa, ce matin.

Donc là, à propos des conditions du parlêtre, peu importe petite fille ou petit garçon, cela vaut pour tout parlêtre. Il me semble qu’on peut penser que petite fille ou petit garçon organisant une névrose obsessionnelle, homme ou femme, ce processus ainsi décrit et si nous y portons crédit, vaut pour tous.

Il me semble que c’est au moment des identifications sexuelles que se pose la question des répercussions de cette structuration particulière, selon que l’on naît fille ou garçon. Or nous savons que ces identifications sexuelles vont se faire au décours des différentes modalités du rapport au manque d’objet et de la prise en compte de la différence des sexes, In fine de la castration, la névrose valant comme défense contre la castration.

Rapidement, une position mâle commune au départ (fille ou garçon), puis côté garçon il doit renoncer à son objet d’amour originaire pour pouvoir rentrer dans le champ de la virilité en renonçant du même coup à « son charme d’enfant, c’est-à-dire l’objet a. Renoncer à venir le recouvrir, le supporter dans le champ de l’image ». Donc cesser de se faire désirer par l’Autre, et attendre sagement son tour pour pouvoir jouir de son instrument… Plus tard.

Côté fille, la petite fille elle, doit migrer, renoncer également à son objet d’amour originaire, reporter son amour sur son père, néanmoins elle aura à se frayer une voie vers la féminité dans un aller-retour comme ça identificatoire entre père et mère. Expérience donc de ce fameux dédoublement entre un désir orienté phalliquement et cette migration dans un lieu Autre au sens où toutes ses coordonnées ne se résument pas pour elle, à ce champ phallique…

Néanmoins, si la frappe du refoulement originaire n’est pas parfaitement accomplie, que l’objet reste dans le même champ, à l’écart certes mais non chu dans le réel, on peut penser que son destin de femme s’en trouve marqué du fait même qu’il me semble que du coup un espace Autre ne peut pas se constituer topologiquement.

Du coup, Dans le tableau de la sexuation, la limite qui sépare les deux espaces de l’Un et de l’Autre pourrait être tracée par des pointillés et non par une ligne pleine, ce qui serait une façon d’écrire et de lire cette constitution qui échoue de cet espace Autre.

Mais, la première objection qui vient si je m’appuie sur les remarques précédentes c’est que nous n’arrivons pas à trancher sur la façon dont opère la fonction paternelle pour elle. Du coup si cliniquement nous pouvons repérer cette organisation autour de la mère (qui vaudrait comme le père dans la névrose obsessionnelle masculine) nous ne pouvons pas pour autant en faire une fonction. Il n’y a pas de fonction maternelle.

La question que nous pouvons lire du bas du tableau serait la suivante : peut-on encore dire qu’une femme obsessionnelle tienne au champ de l’Autre ? Puisque ce qui nous est si finement expliqué là par Ch. Melman c’est que, sitôt émise la part de Réel qu’emporte le signifiant avec lui, sitôt est-elle reprise dans le champ du symbolique… Donc pas de constitution d’un champ de l’Autre.

Cela reviendrait-il à dire que d’une certaine façon une femme obsessionnelle serait condamnée à être uniquement déterminée par son rapport au phallus ? Est-ce cela qu’il faut entendre comme choix possible d’une fille de rester du côté phallique et donc d’organiser une névrose obsessionnelle typique ? Néanmoins cela ne rend pas compte de ce qui fonctionne là avec la mère, à moins de penser qu’elle est traitée elle aussi du côté viril et que le rapport ainsi instauré avec elle est purement imaginaire dans ce que j’appelais tout à l’heure « la comparaison ». Mais il me semble qu’il faudrait alors se pencher sur la question de savoir de quelle mère l’on parle ? Imaginaire, Réelle ou symbolique ?