Communication de la journée du 12 décembre 2015 re-tours sur la névrose obsessionnelle

Je vous propose d’aborder le sujet de la haine dans la névrose obsessionnelle à partir de notre lecture du séminaire de Charles Melman, lecture enrichie de nos questionnements, de nos commentaires. Mon propos s’inaugure par une remarque issue de la vie quotidienne, à laquelle Melman nous invite à réfléchir dans les toutes premières leçons de son séminaire.

Voici, ce qu’il a entendu à la télévision « Mon père qui a 85 ans est solide comme un roc, Dieu merci ! ». Comment, dit-il, ne pas entendre ce merci adressé à Dieu comme une réponse explicite à un vœu de mort implicite. Car si ce vœu ne s’était pas présentifié, cette formule nous aurait nous-mêmes surpris, nous aurait paru superflue, incongrue. Ce que nous comprenons c’est que cette formule à valeur dénégative, du style « Surtout, surtout, n’y voyez pas, n’y entendez aucun vœu de mort, bien sûr ! » Cette formule à valeur dénégative exprimée par le locuteur était aussi attendue par l’auditoire, sinon, sans elle, il aurait flotté vraisemblablement un certain malaise dans l’assemblée. C’était donc aussi bien du côté du locuteur que du côté de l’auditoire, qu’était attendu ce « Dieu merci ! ».

C’est ici l’inconscient qui se donne à entendre par ce « Dieu, merci ! », par ce lapsus qui échappe. Cet inconscient qui surgit à notre insu. C’est le fameux « c’est plus fort que moi ! », c’est-à-dire ce qui nous échappe tout le temps. « Mon père qui a 85 ans est solide comme un roc, Dieu merci ! ». Le « Dieu merci ! » est là pour conjurer le vœu de mort. Mais pour l’obsessionnel, au lieu que sa conscience en soit dégagée, elle en est obsédée. Refuse-t-il de s’en séparer, ou sa pensée refuse-t-elle de le quitter ? C’est une question.

Pour Freud : une explication œdipienne

Reprenons le cas clinique de Freud, L’homme aux rats, que nous dit-il : « Un jeune homme de formation universitaire vient chez moi, et me raconte que depuis son enfance et surtout depuis 4 ans il souffre d’obsessions. Sa maladie consiste en appréhensions. Il craint qu’il n’arrive quelque chose à deux personnes qui lui sont chères : à son père pourtant déjà mort ! Et à une dame à laquelle il a voué un amour respectueux. […] De plus, il se plaint d’impulsions compulsionnelles comme ‘‘se trancher la gorge avec un rasoir’’. Et pour lutter contre ses impulsions, il se forme en lui des interdits… La seule occasion où il s’est trouvé mieux, c’est lors d’un séjour en station balnéaire où là il eut des rapports sexuels avec une femme rencontrée. »

Freud interprète les symptômes de L’homme aux rats par le complexe d’Œdipe. Pour lui, l’homme aux rats est un petit garçon bien orienté sexuellement qui, attiré par ce qui lui est caché, a repéré ce qui intéresse son père. Le père est ici en position de rival sexuel faisant obstacle à la réalisation de ses propres désirs. « Le conflit entre la sensualité et l’amour filial est à l’origine de la haine du garçon pour son père », dit Freud.

Nous sommes renvoyés au mythe de Totem et Tabou développé et analysé par Freud ; mythe selon lequel pour avoir accès aux femmes, il faut tuer le père, chef de la horde. Le meurtre du père serait donc un préalable à l’accomplissement des désirs sexuels du fils.

Pour Freud, encore : c’est parce que le fils aime intensément son père que s’opère le refoulement de la haine.

  1. Ch. Melman aborde différemment le dilemme de l’obsessionnel

Pour Ch. Melman, l’obsessionnel serait plutôt pris dans un dilemme qui s’énonce ainsi : soit je zigouille mon père, soit je m’abstiens de mes désirs sensuels pour que ‘‘lui’’ vive, c’est-à-dire il faut que ‘‘je’’ sublime.

Ainsi pour Ch. Melman, dans Totem et Tabou : le père est mort pour que le ‘‘je’’, le fils, vive. Au sens, où c’est la mort du père dans l’Autre qui ménage cette place où le ‘‘je’’ du fils peut venir à l’existence. Mais lui l’obsessionnel, il se dit : « non, je ne peux pas accepter que le père meure pour que ‘‘je’’ vive. Plutôt que je vienne à mourir pour que ‘‘lui’’, le père, vive. » Ainsi, comprenons-nous mieux l’effet de momification du vivant de l’obsessionnel — je fais comme si j’étais mort, comme si le ‘‘je’’ s’abolissait de l’existence pour que, toi le père, ‘‘tu’’ vives — semble répondre l’obsessionnel comme une poudre aux yeux jetée à l’Autre, aux yeux du grand Autre.

Poursuivons l’analyse de Freud : « Il a voulu tuer son père pour avoir sa mère et le remords est venu ensuite, il s’est développé à l’occasion de la mort réelle du père », nous dit-il. Mais alors, comment saisir, se questionne Ch. Melman, comment saisir ce qui distingue l’évolution psychique du névrosé obsessionnel d’un sujet vivant un Œdipe normal ? Pourquoi l’obsessionnel est-il dans l’incapacité d’assumer la mort de son père et pourquoi une névrose s’est-elle constituée ? Pourquoi n’est-il pas capable d’assumer le remords ? Et pourquoi l’homme aux rats redoute-t-il tant qu’il n’arrive quelque chose à son père, alors que celui-ci est déjà mort et enterré depuis 4 ans ?

Il ne suffit pas, nous dit Ch. Melman, de dire que l’amour est sans cesse doublé par la haine pour clarifier le caractère obsédant et spécifique de la névrose obsessionnelle.

Pour Freud, le fils aimait tellement son père qu’il ne peut s’avouer sa haine et qu’il est amené à la refouler. C’est l’intensité de l’amour pour le père qui ne permet pas l’expression de la haine, cette haine, qui est alors rejetée dans l’inconscient et qui vient insister de manière obsédante. Or nous savons qu’un affect peut être déplacé, transformé, dénié, projeté, retourné en son contraire, mais qu’il ne peut être refoulé. Pour Ch. Melman, dans la névrose obsessionnelle, c’est justement l’intensité même de l’amour de l’homme aux rats pour son père qui nous alerte, par son caractère excessif, du tressage des sentiments de haine et d’amour.

Mais cette haine d’où vient-elle ? poursuit Ch. Melman. Et pourquoi les affects fonctionnent-ils par paires antagonistes, la haine et l’amour, l’hainamour ? Jamais l’un sans l’autre et cela avant tout refoulement. Pourquoi cette ambivalence primordiale qui précède l’ambivalence névrotique ?

L’obsessionnel sait qu’il a à se méfier de ses sentiments amoureux, que son amour peut être mortifère. Il sait que son amour est infiltré par la haine. Ce qui le fait rentrer dans un état de perplexité sidérante, hésitant d’un côté ou d’un autre, sans trouver de repos, de calme. Sa crainte, c’est d’avoir commis un meurtre sans s’en être rendu compte, par inadvertance. Sa crainte, c’est d’être un criminel sans l’avoir voulu… D’où le besoin qu’il a de revenir sans cesse en arrière pour voir s’il ne s’est rien passé… dans un irrépressible besoin de vérification.

Le caractère d’aller-retour spécifique de l’obsessionnel, marche en avant, marche en arrière, justifié par ce qui serait la recherche de la cause, de l’origine. Il lui faut revenir sur ses pas, y compris dans ses pensées, tout reprendre, tout revérifier…

C’est pourquoi, il cherche par l’établissement de couples d’opposés (couple de qualificatifs opposés, couples d’actes contraires venant faire puis défaire ce qu’il vient de faire, couples de pensées et de contre-pensées simultanées…), il cherche à opérer un tranchement, à mettre en place quelque chose qui serait radical et lui permettrait de distinguer, enfin et avec certitude, d’un côté le bien, de l’autre le mal. Il est pris dans une logique bivalente, celle du oui et du non, celle du plus et celle du moins, celle du vrai et celle du faux…

C’est une logique à deux valeurs, excluant toute référence tierce. Or si ce lieu tiers n’est pas préservé, maintenu comme tel, par l’acceptation de la castration, le sujet n’a d’autre choix pour répondre à ce message que de le retourner, que de le reprendre sous la forme de la contradiction, la contradiction une virtualité déjà incluse dans le signifiant lui-même. Du coup, il perd toute certitude… Car, ce qui entraîne notre décision, notre choix, ne peut s’organiser qu’à partir de la référence prise en ce lieu tiers, tiers à cause de la bivalence du signifiant, que constitue le Réel et de l’appui que nous prenons auprès de celui qui en ce Réel est supposé s’y tenir.

 

La haine dans la relation duelle de la position en miroir

Il est intéressant de remarquer que l’explication freudienne basée sur l’Œdipe, par laquelle le père est désigné en position de rival, postule un lien d’hétérogénéité entre le père et le fils. Or si nous sommes attentifs aux propos de l’homme aux rats, nous constatons qu’il n’en est rien, bien au contraire. Il dit : « Mon père et moi étions les meilleurs amis du monde. L’intimité entre nous était plus grande qu’avec mon meilleur ami actuel. »

Que remarquons-nous ? Que la relation de l’homme aux rats avec son père est inscrite dans une relation d’amour idéal, une relation de réciprocité, dans laquelle l’un et l’autre, pour se maintenir dans ce jeu en miroir, et se soutenir dans l’axe de la relation imaginaire, renoncent au sexe, ils n’y font pas allusion. Ils n’en parlent pas. Cet amour idéal pour le Père, cet amour parfait, aboutit à une dualité accomplie, à une similitude achevée. Ils sont de bons copains, et dans l’idéal de cette entente, c’est tantôt l’un qui parle, qui prend la parole, tantôt l’autre. Dans cette relation sans désaccord, la parole est superflue. Cette relation symétrique en miroir est innervée par un lien d’homogénéité, un lien où l’un ou l’autre est susceptible d’être mis en place d’idéal.

Ce meurtre du père, dont l’homme aux rats se sent coupable, est lié à cet axe imaginaire, dans lequel est prise sa relation à son père, cet axe imaginaire qui extrait le père de sa place, de sa position Autre, qui extrait le père de son lieu d’origine pour en faire un semblable, un copain, dans une relation en miroir de type fraternel. Il y a bien meurtre dans cette opération d’émasculation du père.

S’accomplir comme image idéale est la tentation de l’obsessionnel, avec une réserve toutefois, qu’il ne faudrait pas dans cet accomplissement venir usurper, investir, se substituer à cette image idéale que constitue le père. Venir occuper cette place idéale lui ferait prendre le risque de tuer le père. Mais devoir laisser en dernier recours la place d’idéal au père, s’entendre à tout prix avec lui, a un prix, a un prix pour le fils. Lequel ? Celui de devoir se maintenir lui-même dans le registre d’une position d’infériorité. Avec cette conséquence, non négligeable, que du vivant de ce père-là, c’est-à-dire du père réel, se trouve barré pour l’homme aux rats l’accès à la masculinité.

Ce dispositif imaginaire mis en place entre eux ne permet pas d’assurer la coexistence des consciences mais seulement comme pour deux amis, comme pour deux alter ego, l’alternation.

La culpabilité de l’homme aux rats à propos de son absence lors de la mort de son père nous éclaire sur l’impossibilité de leur présence simultanée, de leur coexistence. Ils ne peuvent pas être présents en même temps ; pour qu’il y en ait un qui vive, il faut que l’autre meure. Pris dans la relation spéculaire qui le lie à son père, captif de l’idéal que ce dernier représente pour lui, dans une annulation des vœux de mort qu’il nourrit inconsciemment à son endroit, la mort de son père est une vraie catastrophe. La culpabilité est telle, qu’il se met à se masturber de manière compulsive et qu’il présente parallèlement une grande inhibition au travail. C’est-à-dire que cette agressivité qui fût la sienne contre le père réel se trouve en miroir retournée massivement contre lui au moment même où maintenant, fût-ce dans l’imaginaire, où il se trouverait marqué des insignes qu’il enviait à son père.

C’est pourquoi, et il le dit bien haut, ils sont les deux meilleurs amis du monde dans un rapport de type fraternel, comme deux frères c’est-à-dire comme deux fils de la même mère. Avec cette particularité, bien sûr, que l’un d’eux couche avec elle, et qu’à l’autre il lui suffit d’attendre, attendre quoi ? Attendre son tour, patiemment, sans trop bouger, dans cette procrastination et cette inhibition qui caractérise la névrose obsessionnelle, pour ne pas perturber le mécanisme, pour que son tour arrive, parce que son tour arrivera. Au suivant !

C’est sans doute cette question de tour qui permet de comprendre l’immobilité, de comprendre l’inertie de l’obsessionnel, mais aussi l’énigme qui est la sienne face à l’ordinal.

 

L’ordinal

Nous savons en effet, que l’inconscient différencie distinctement le cardinal et l’ordinal.

Dans le champ ordonné par le cardinal, les éléments peuvent se compter, s’additionner, se soustraire, mais il n’est pas possible de les disposer en ordre. La place de la féminité ou de la virilité ne se distingue donc l’une de l’autre que d’être occupée par celle-ci ou celui-ci. De ce fait, c’est comme s’il fallait attendre l’évacuation de cette place pour que le sujet puisse à son tour venir lui-même porter ses insignes. Il lui fallait attendre, ou tuer et éliminer celui qui fait obstacle.

Dans le champ de l’ordinal, tout se passe comme si la place subsistait par elle-même et se trouvait apte à venir accueillir la succession de ceux qui, fussent-ils coexistant, étaient capables de venir occuper cette place, la représenter et en supporter les insignes. Il est alors possible de compter premier, deuxième, troisième. Mais, pour pouvoir compter premier, deuxième, troisième, dans le registre de l’ordinal, il faut reconnaître le zéro de l’origine, cet au-moins-un, c’est-à-dire aussi reconnaître la castration.

Il faut que soit en place ce qui permet à un sujet de venir s’identifier, de venir se supporter, de venir à la place d’un Un. Or dans la névrose obsessionnelle, c’est comme si le chiffre deux constituait une limite par elle-même inaccessible, de telle sorte que la seule possibilité pour pouvoir se réclamer soi-même du Un est d’évacuer ce qui dès lors est non plus symbolisé par une suite de nombres, c’est-à-dire la succession d’uns des nombres naturels, mais ce qui ne tient plus qu’à l’existence d’une place.

L’obsessionnel, peine à se trouver père en même temps que son propre père, du vivant de celui-ci. Car, si la position paternelle ne se soutient que d’une place et non pas du symbole, cette place ne peut donc pas être occupée, tant qu’elle n’est pas vacante. Dans cette démarche rationaliste, la fonction paternelle se trouve ravalée au rang de simple énoncé, comme cause antécédente. Ce serait cette fonction d’être premier qui donnerait toute son autorité et toute sa valeur à celui qui viendrait l’occuper. Le père est simplement celui qui était là avant.

De son impossibilité à concevoir l’ordinal s’énonce sa difficulté à s’inscrire dans la succession des générations, voire à supporter qu’il y ait inscription à sa suite, telle la naissance d’un frère… ne pouvant envisager cette naissance que dans une relation conflictuelle duelle de type exclusif : ou bien lui ou bien moi.

De plus, pour l’obsessionnel, le registre des nombres serait actif non pas dans l’appréhension de la suite des nombres naturels mais dans celle des nombres réels où, chaque fois qu’un nombre est proposé entre un et deux, il y en a forcément un autre possible qui vient. Or, il faut le zéro pour fonder cet intervalle autorisant cette succession des uns. La non-reconnaissance de ce zéro et l’impossibilité d’appréhender la suite des nombres naturels s’accordent avec le refus du Symbolique. En effet, c’est du côté du zéro que nous mettons l’identité parfaitement assumée de soi, l’identité de celui qui dit : « je suis ce que je suis ».

Cet amour pour le père qui s’accomplit dans le champ de la dualité préfigure toute une série de relations (sa relation avec le père, sa relation avec la Dame, sa relation avec son frère) qui se construiront sur le même mode, celui de la prévalence de l’imaginaire. Ces relations sont prototypiques des relations où domine l’agressivité narcissique, c’est-à-dire des relations prises dans des rivalités en miroir, et non des rivalités tierces de l’œdipe. C’est ainsi qu’à la haine œdipienne, l’obsessionnel répond par la haine qui est propre à la relation duelle : expression d’envie, impulsion de vengeance.

Avec la Dame, là encore, l’homme aux rats est dans une relation amoureuse en miroir, une relation magique, superbe. La Dame, avec un grand D, est idéalisée. Il dit : « La Dame, je l’aimais beaucoup mais je n’ai jamais éprouvé pour elle les désirs sensuels qui me hantaient dans mon enfance. En général, mes tendances sensuelles dans l’enfance étaient beaucoup plus fortes qu’à l’époque de la puberté ». La condition pour que cet amour existe et perdure, est justement qu’il faut qu’il soit sans réalisation, que le désir n’y soit pas, que le désir ne fasse pas lien entre eux. L’intimité doit être débarrassée de tout ce qui fait conflit, à savoir la sexualité. Comme dans la sainte trinité ou dans un trio infernal (lui, le père, la Dame), l’harmonie absolue doit régner, dit Ch. Melman. Il a peur qu’il arrive quelque chose à la Dame qu’il aime, la sainte qu’il glorifie. Ce qui pourrait lui arriver à la Dame, c’est qu’il la saisisse. Mais, s’il la saisit, s’il la fait rentrer dans son mode objectal, ce sera pour lui faire subir une déchéance. L’obsessionnel est obligé de baiser ailleurs que là où il aime.

La seule façon qu’a l’obsessionnel de maintenir dans l’Autre ce qui fait sa signifiance, c’est de ne pouvoir entretenir cet objet qu’à condition de s’en tenir à distance. L’approche, la saisie, la résolution de la satisfaction serait ce qui viendrait le détruire et il ne peut donc le préserver qu’à lui vouer ce culte chaste. Il s’agit de maintenir entre elle et lui l’infranchissable… Car, contrairement aux affirmations de Freud, ce n’est pas le père de l’homme aux rats qui fait obstacle à la réalisation de la vie sexuelle de son fils, au contraire il essaie de lui trouver une issue raisonnable, pratique et effective.

C’est lui, l’homme aux rats qui va dévouer sa vie à cet infranchissable, dans un processus de défense, un processus de défense contre quoi ? Contre la castration. Sa peur, ce serait qu’à l’occasion de cette saisie amoureuse, elle ne vienne prendre place dans cet ordre contre lequel le névrosé obsessionnel se défend. C’est-à-dire qu’elle ne vienne prendre place dans cet ordre fondé sur une altérité irrémédiable, qu’elle n’apparaisse que comme Autre, donc castrée…

Si la rencontre amoureuse se fait de telle sorte qu’elle ravive la position originale qui met la Dame dans un lieu Autre, dans une altérité radicale, c’est-à-dire, en position castrée, ce dispositif se supporte du père mort. La jouissance phallique se trouve liée à ce meurtre, attachée à la réalisation de la mort du père.

La dette

Ce qui pour lui est lié à la mort, au meurtre du père, ce qui fait de lui un criminel, c’est tout simplement qu’il refuse de payer sa dette. Il ne veut pas en payer le prix, c’est-à-dire, qu’il refuse la castration. La névrose, c’est une défense contre la castration. C’est dans l’Autre, d’abord que le petit névrosé veut obturer la castration, celle dans l’Autre qui lui est intolérable, d’autant qu’il s’en attribue la faute. En refusant la castration, il refuse qu’il y ait dans l’Autre une coupure, il refuse que la mère soit castrée. Le garçon à vocation obsédée refuse la castration maternelle. Il est lui-même très souvent cet objet resté inclus dans l’Autre maternel, cet objet pour sa mère, cette mère phallique, non barrée…

C’est d’elle dont il va se faire le chevalier, en cherchant à la préserver dans son rôle de possédante de tous les biens, y compris de lui-même éminent représentant de ce bien suprême. Au fond pour l’obsessionnel que le père soit châtré, ce n’est pas embêtant, ce serait même le contraire : qu’il laisse maman tranquille. Mais que ce soit le grand Autre en tant que grand Autre maternel qui le soit, est ce qu’il ne peut admettre.

En refusant de payer sa dette, il refuse d’accorder au père, de lui préserver dans l’Autre, le lieu où en tant que mort, il pourrait maintenir la vie. Autrement dit, il refuse de lui sacrifier. Ça ne veut pas dire que l’obsessionnel ne veut pas payer, il est même prêt à payer tout, même ses bijoux les plus précieux, mais pas à lui. Il veut bien se priver mais pas que cela serve à sa jouissance, la jouissance qu’il suppose à son père.

C’est pourtant à ce prix qu’est ménagée dans l’Autre la place où le père peut se tenir, fût-ce comme père mort. C’est l’opération qu’accorde en retour le père à son fils en lui ménageant pour exister une place dans l’Autre. Mais il convient d’abord que le fils paye, c’est-à-dire qu’il reconnaisse la castration.