...Le refoulement fait partie du fonctionnement normal de l'appareil psychique. Il ne s'agit pas uniquement de la politique de l'autruche, mettre de côté ce qui me semble déplaisant, c'est le jeu de la langue, la substitution d'un signifiant (qui se trouve refoulé) par un autre signifiant qui permet de lier l'excitation pulsionnelle par le travail de la métaphore. C'est cette liaison ou plutôt cette déliaison qui me semble faire problème aujourd'hui. Aussi, si nous prenons le concept de névrose traumatique de façon extensive au sens de la déliaison de l'excitation pulsionnelle dont Freud parle dans l'Au-delà du principe de plaisir, nous pouvons en tirer des conséquences nouvelles. La pulsion n'est plus dans ce cas liée au phallus, au manque symbolique, elle n'est plus refoulée sous le coup du phallus symbolique et se manifeste librement.

 Par un heureux hasard il se trouve que notre colloque se déroule à l'occasion des journées du patrimoine (pater) et je me disais que finalement nous ne vous proposions rien d'autre que d'explorer avec nous la question de savoir si aujourd'hui le refoulement fait encore partie de notre patrimoine culturel le plus intime, le langage, si la structure du refoulement s'est modifiée, et selon quelles modalités spécifiques pour un homme et pour une femme.
Dans son intervention « Un inconscient propre » aux journées de l'Association Lacanienne Internationale intitulées Y a-t-il encore de l'inconscient chez l'enfant ? notre collègue Véronique Bellangé posait déjà cette question : qu'est-ce qui dans un traumatisme rend le refoulement inopérant ? Elle y répondait en montrant comment certains dispositifs d'aide psychologique aux « victimes de traumatisme » pouvaient en fait venir priver ces enfants de toute historisation et de tout traumatisme, avec des effets de retour du refoulé dans le réel : angoisse, hallucination, passages à l'acte, - et je rajoute - manifestations psychosomatiques. Et si le refoulement est corrélatif de l'inconscient nous reprenons donc d'un autre bord, celui du refoulement aujourd'hui, cette question de notre rapport à l'inconscient à l'occasion de ces journées.
Il m'a semblé opportun de poursuivre le travail initié par Véronique Bellangé et de prolonger ce questionnement dans le cadre de notre travail de lecture de cette question du refoulement aujourd'hui. Le refoulement fait partie du fonctionnement normal de l'appareil psychique. Il ne s'agit pas uniquement de la politique de l'autruche, mettre de côté ce qui me semble déplaisant, c'est le jeu de la langue, la substitution d'un signifiant (qui se trouve refoulé) par un autre signifiant qui permet de lier l'excitation pulsionnelle par le travail de la métaphore. C'est cette liaison ou plutôt cette déliaison qui me semble faire problème aujourd'hui. Aussi, si nous prenons le concept de névrose traumatique de façon extensive au sens de la déliaison de l'excitation pulsionnelle dont Freud parle dans l'Au-delà du principe de plaisir, nous pouvons en tirer des conséquences nouvelles. La pulsion n'est plus dans ce cas liée au phallus, au manque symbolique, elle n'est plus refoulée sous le coup du phallus symbolique et se manifeste librement.
Que sont devenues les névroses ? Qu'est devenu le refoulement c'est-à-dire la façon dont le névrosé se défend de son désir ? Les névroses et le refoulement névrotique existent toujours mais nous n'en sommes plus uniquement aux types de modalités névrotiques de refoulement décrites par exemple avec humour dans un film que vous connaissez tous « La vie est un long fleuve tranquille » où la famille Groseille se défoule là où la famille Duquesnoy refoule. Les rapports du sujet au langage, à l'Autre, se sont-ils modifiés ? L'Autre auquel nous avons affaire est-il différent, un Autre plein qui prend en compte une perte mais pas un manque symbolique ? Le traumatisé n'est-il pas renvoyé à l'Autre maternel du besoin, à un Autre primitif et à la dialectique vie/mort qui lui est inhérente du fait de son refus de prendre en compte le désir de l'Autre et l'Autre comme trésor des signifiants ?
Il n'y a qu'à ouvrir une revue distribuée gratuitement intitulée Sciences Humaines pour y lire dans un article intitulé « Peut-on effacer nos souvenirs traumatiques ? » qu'une équipe de neuroscientifiques du C.N.R.S est parvenue à supprimer sélectivement un conditionnement chez les rats par l'injection d'une drogue connue pour provoquer des amnésies. Par extension (du rat à l'homme rat) la visée serait d'envisager de traiter les syndromes de stress post-traumatique, mais aussi le sentiment intense de détresse psychologique, en effaçant nos souvenirs traumatiques par un médicament adéquat. Science inhumaine, rien de bien nouveau me direz-vous dans cette façon dont la science peut être utilisée de façon dévoyée en modifiant l'économie de la jouissance du corps, court-circuit du corps et jouissance directe. Il me semble bien au contraire qu'en ayant pour visée (je ne dis pas qu'il y parviennent forcément) la suppression radicale de tout traumatisme, c'est-à-dire les effets du trauma sur le corps, la suppression de tout refoulement, nous ne manquons pas d'observer dans notre clinique actuelle des effets subjectifs de retour du refoulé dans le réel (passages à l'acte, etc.), des modifications des modalités de jouissance corporelle. Nous serions passés d'une quête du traumatisme inaugural, comme par exemple avec les expériences de mémoire retrouvée, à des tentatives d'annulation ou de prévention du traumatisme avant même qu'il ne soit supposé se constituer. Il s'agit alors de formes de négation de tout sujet de l'énonciation, de suture  de la division subjective, d'où en découlent des effets d'humiliation pour le « sujet ». Quête du traumatisme d'un côté, annulation du traumatisme de l'autre, s'agit-il des deux faces d'un même processus ? 
Avant toute chose, il faut distinguer le traumatisme sexuel du traumatisme accidentel. Le premier est lié à la mise en place du phallus qui vient donner sens sexuel à la faille dans l'Autre, le second est une interprétation évènementielle de ce qui est un fait de structure du langage. Pour faciliter la lecture de mon propos je réserve le terme traumatisme au traumatisme sexuel tel que nous l'entendons d'un point de vue analytique et névrose traumatique pour tout ce qui a trait ou se rapporte à la névrose d'accident.
L'étymologie du mot traumatisme, traumatikos, veut dire en grec « qui concerne les blessures, bon pour les blessures ». Il est dérivé de trauma « blessure » et au figuré « dommage, désastre, déroute » dérivé du verbe tritroskein « blesser, endommager » dont la racine indoeuropéenne est ter « user en frottant, trouer ». Ce petit parcours étymologique nous permet d'entendre la question du troumatisme où le phallus comme trou est ce symbole qui vient frapper dès l'origine la chaîne signifiante et nouer les registres symbolique, imaginaire et réel. Le traumatisme c'est cette blessure originelle et constitutive du sujet du fait de la frappe du signifiant qui fait trou dans le réel et l'entrée du sujet dans le langage.
Comment s'articulent névrose traumatique et refoulement ? Mon hypothèse est que dans la névrose traumatique le jeu de la métaphore ne fonctionne plus, la métaphore du Nom-du-Père ne peut advenir à son terme, l'équivoque signifiante se trouve gelée. Il se produit alors une sorte d'arrêt sur image, sur un signe, un sémantème. Le sujet se trouve ramené à la question de la mise en place du refoulement originaire et, dans les meilleurs cas, à des modalités imaginaires de refoulement. Il ne s'agit plus alors que de tenter de se faire reconnaître par l'Autre comme détenteur de l'objet qui pourrait le faire jouir. Est-ce que le traumatisé ne suppose pas que cela fait jouir l'Autre qu'il soit une victime ? Mais il n'est pas exclu, et c'est la question que je pose, que d'autres sujets viennent à se trouver hors refoulement, hors discours.
Vous savez peut-être que la névrose traumatique a été opposée à Freud comme la preuve « qu'une mise en danger de la pulsion d'autoconservation [de la pulsion de vie] pouvait produire une névrose sans la moindre participation de la sexualité. ». En quelque sorte un choc important serait capable de produire une névrose sans l'intervention du sexuel. Freud y répondait en rappelant « la nature libidinale de la pulsion d'autoconservation, libido narcissique ». Il en découle un certain nombre de questions. Dans la classique opposition freudienne entre libido narcissique et libido sexuelle la libido sexuelle, le sexuel, serait alors refoulé mais selon quelles modalités et de quelle façon s'opère alors le retour de ce refoulé ? Y a-t-il pour autant des modalités distinctes d'être traumatisé selon le sexe ? La névrose traumatique se situe-t-elle en deçà de la question de l'identification sexuée ? Si nous suivons Freud sur la nature narcissique de la névrose traumatique nous pouvons répondre par l'affirmative. 
Pour Freud, le traumatisme psychique dans l'hystérie est une représentation, et non la réalité de l'événement, représentation vécue comme un corps étranger interne et source d'excitation. Dans la névrose traumatique il ne s'agit plus d'une représentation, d'un Vorstellung Repraesentanz, au sens d'un signifiant mais au contraire d'un signe « Voilà le signe que je suis traumatisé ». Présentation de l'objet et non représentation, échec de la représentation.
Je vous rappelle brièvement le tableau clinique de la névrose traumatique tel que Freud le ramasse dans l'Au-delà du principe de plaisir. « Le tableau clinique se rapproche de l'hystérie par sa richesse de symptômes moteurs similaires mais il le dépasse par ses signes très prononcés de souffrance subjective et évoquant l'hypochondrie - c'est-à-dire tout ce qui a trait à la jouissance du corps - ou la mélancolie ». Il met en valeur deux traits distinctifs : le facteur surprise, l'effroi - la névrose d'effroi - et d'autre part l'absence de lésion ou blessure physique. Enfin les rêves de la névrose traumatique « ramènent sans cesse le malade à la situation d'accident, situation dont il se réveille avec un nouvel effroi. » Au delà du principe de plaisir se répète le déplaisir. « Le malade serait pour ainsi dire fixé psychiquement au traumatisme ». À l'état de veille, dans la journée il n'est pas du tout préoccupé par l'accident.
Même quand un sujet a vécu un traumatisme réel il va en faire une historisation particulière et il n'est pas du tout certain que sa subjectivité s'organise autour de l'accident. Freud précise bien qu'une lésion a un effet protecteur contre la survenue d'une névrose traumatique de par l'investissement narcissique qu'elle occasionne. Prenons l'exemple une jeune femme ayant été très sérieusement brûlée dans sa prime enfance. Toute sa subjectivité s'organise pourtant autour d'une anorexie, véritable point aveugle pour ses parents. Il ne s'agit donc pas d'une névrose traumatique. Néanmoins son père parle toujours d'elle comme d'une « traumatisée ». Il est en partie responsable de l'accident et, pense-t-il, de la vie malheureuse de sa fille. Il la présente chaque fois à tout nouvel arrivant dans la maison comme la victime d'un accident domestique dramatique et elle, cherche toujours à fuir un tel énoncé paternel, une telle tentative d'exhibition et de dévoilement (enfant elle se cachait sous la table ou partait se réfugier dans sa chambre). Tentative paternelle de vouloir que sa fille se passe du refoulement, de vouloir lever le voile qui lui garantirait une place subjective. Quant à sa mère, elle ne s'est même pas aperçue de son anorexie et c'est le médecin de famille qui a dû lui mettre les points sur les i. Refoulement massif côté maternel. Donc d'une certaine manière cette femme a plutôt dû se protéger par la mise en place de son anorexie contre ce qui voudrait la transformer en victime et mettre au cœur de sa subjectivité cette question de la névrose traumatique. Elle refuse de devenir une victime mais également elle refuse le symbole phallique. Tentative de transmission directe du phallus et rupture de la promesse, de la reconnaissance par l'Autre. En quelque sorte, elle n'a pas été adoptée, elle est située par ses parents hors discours. Avouez que prise dans un discours social qui pousse à la victimisation il faut que cela représente une nécessité subjective absolue pour elle. Certes il s'agit d'une autre modalité d'impasse quant à la question de sa féminité mais s'agit-il encore avec cette anorexie d'un refoulement ou d'un processus spécifique de défense contre le désir ? De fait le nombre de cas de plus en plus important d'anorexie masculine en dehors d'une psychose vient nous poser la question des modalités actuelles de défense par rapport au désir. Est-ce qu'il s'agit encore de refoulement ou plutôt l'échec de la mise en place d'un refoulement ? En tout cas, cette femme nous enseigne que la prégnance d'un discours social de pousse à la victimisation ne fabrique pas pour autant systématiquement des traumatisés. Cela nous laisse quelque espoir. D'autre part l'échec de la mise en place du refoulement symbolique, donc de la castration,  peut par contre être lié à tout ce qui pousse à faire échec au caractère opératoire du refoulement (la qualité symbolique du don).
Je reprendrai ici la définition que Charles Melman a donné de la névrose traumatique lors des journées d'hiver de l'Association Lacanienne Internationale, à savoir la rencontre d'un réel qui vient menacer notre existence, notre vie, par ce qui s'imaginarise comme privation de votre référence phallique, symbolique.
Il y a à mon avis au moins deux façons de prendre la question de la névrose traumatique dans son rapport au refoulement.
Tout d'abord du côté de l'actualité de la névrose traumatique dans la clinique. Premier exemple, les névroses de guerre actuelles. La déliaison pulsionnelle laisse libre cours à la pulsion de mort. Je prends tout de suite la précaution de dire que névrose traumatique et syndrome de stress post traumatique (intrusion, évitement, émoussement) ne se recoupent pas. Il n'y a pas de prise en compte d'une dynamique inconsciente dans le S.S.P.T ou alors seulement sous la forme d'un "inconscient propre". Par ailleurs c'est une clinique extensive puisque dans le S.S.P.T les patients peuvent avoir été blessés physiquement. Néanmoins dans un article du journal Le Monde du 17 juin 2008 nous pouvions lire par exemple que « jamais les cas de stress post-traumatiques (P.T.S.D) n'ont été aussi nombreux dans les armées américaines : 20% des soldats subissent des blessures temporaires et 10% déclenchent une maladie de stress ». Il y aurait donc 10% des soldats qui présenteraient une névrose traumatique authentique.
L'approche et le traitement de ces troubles sont radicalement différents côté américain et côté français. Les premiers distribuent systématiquement antidépresseurs et anxiolytiques à leurs soldats (17%) d'où une multiplication des suicides et des toxicomanies. Forme moderne du coup de gnole avant d'aller au combat, pour retourner au combat ? Est-ce qu'il ne s'agit pas plutôt d'une forme moderne de retour aux traitements électriques, devenus traitements chimiques, des névroses traumatiques ? Ces traitements étaient déjà critiqués par Freud dans son article sur les névroses de guerre. A vouloir faire taire les effets du traumatisme sur l'organisme par des substances qui agissent sur la jouissance du corps on assiste à des effets de passage à l'acte que nous connaissons bien, retour du refoulé dans le réel, éjection du sujet hors du discours, hors du semblant.
Les militaires français ne laissent pas un soldat atteint de stress post traumatique en opération et il existe, je cite, des « officiers d'environnement humain » et des cellules d'intervention de soutien psychologique dont nous connaissons aussi les limites voire les impasses.
Lors de la première guerre du Golfe les psychiatres militaires anglais se sont même rendus auprès des unités de combat pour faire un travail de prévention des traumatismes de guerre en expliquant aux militaires anglais ce qu'ils pouvaient être amenés à rencontrer. Prévention du traumatisme avant même qu'il ne soit effectif, tentative d'agir sur les affects sans tenir compte du signifiant, anticipation sans demande. Voilà aussi les effets d'un discours social sur le refoulement.
Quelles sont les conditions de production de la névrose traumatique ? Dans son film sur la guerre d'Algérie La guerre sans nom Bertrand Tavernier montre bien que ceux qui ont le plus souffert étaient ceux qui se battaient au nom d'un idéal. Actuellement ces jeunes soldats vont dans ces pays au nom « d'opérations de maintien de la paix » non plus au nom d'un idéal mais dans l'espoir d'être intégrés dans leur propre pays. Ces jeunes recrues se retrouvent pourtant pris dans une véritable guerre d'où le décalage insupportable pour eux entre les raisons de leur venue dans ces pays, Irak, Afghanistan, et la réalité sur le terrain. Ce décalage peut être aussi insupportable  pour leurs proches. A l'issue de l'embuscade dans laquelle plusieurs jeunes soldats français sont morts au mois d'août ce qui est frappant c'est le soin qui a été pris par notre ministre de la défense pas de la guerre, Hervé Morin pour expliquer :
1) Qu'il contestait [contester c'est : refuser à quelqu'un le droit de disposer d'une chose] totalement le mot de guerre même si le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, venait de dire le contraire : « il s'agit d'une guerre, parlez si vous voulez d'opérations guerrières ».
2) Que les français, à qui on parle comme à des enfants, n'avaient peut-être pas mesuré la gravité de l'engagement militaire en question
3) Et Bernard Kouchner d'ajouter qu'il fallait nous attendre à d'autres pertes de vie humaines dans ces opérations.
Je n'insiste pas sur l'inanité d'un tel discours qui sans vouloir utiliser le signifiant approprié (guerre) prive ainsi les militaires engagés dans ce conflit, leurs proches et la population française en général de toute capacité d'anticipation symbolique effective même si il nous est conseillé de nous préparer à la mort de nouveaux militaires en Afghanistan. Toute guerre a un prix pour une collectivité, le prix du sang, sacrifice collectif du fait du déferlement de la pulsion de mort, mais à le dénier il fait retour sous la forme d'une perte qui ne peut plus advenir dans sa dimension de manque symbolique.
Refus d'une nomination, refus d'employer un signifiant, annulation voire déni de ce signifiant qui pourtant est éminemment présent. J'en rapprocherai en clinique les actes réalisés sans paroles qui peuvent être traumatisants : un viol sans aucune parole prononcée par le violeur.
L'absence de nomination, l'impossibilité de venir symboliser en partie le réel, soit parce que l'événement survient avant que l'enfant soit entré dans la langue, soit parce qu'il est l'objet d'un acte sans paroles, soit encore que l'adulte n'ait pas le temps d'anticiper symboliquement l'événement, sont à mon avis cause de névrose traumatique du fait de leur privation de la référence phallique.
La clinique de l'enfant nous enseigne aussi sur l'actualité de la névrose traumatique. Lors des journées d'hiver 2008 de l'Association Lacanienne Internationale Y a-t-il encore de l'inconscient chez l'enfant ? Charles Melman indiquait que la séparation d'un couple peut avoir des effets traumatiques chez l'enfant par la perte soudaine pour l'enfant de sa référence phallique. Il y a aussi une circonstance que les éducateurs connaissent bien qui peut avoir les mêmes effets traumatiques c'est le placement d'un enfant en foyer lors de conflits conjugaux ou problèmes éducatifs majeurs. Lors de certains divorces ce qui se passait dans la chambre des parents et qu'il (l'enfant) était tenu de refouler vient faire retour dans le réel quand il ne dispose plus de ce lieu. Il perd aussi bien ce qu'il était que ce qu'il venait représenter phalliquement pour la lignée paternelle ou maternelle. Il s'agit d'une perte de domicile subjectif qui le confine à l'errance. L'enfant n'a plus de Heim, de lieu pacifié dans l'Autre qui lui assure au-delà de l'image une garantie symbolique de son existence subjective. Dans certaines cultures le fait qu'un enfant ne se retrouve pas sans lieu dans l'Autre est primordial. Il importe par exemple aux japonais qu'un enfant ne se retrouve jamais sans maison, « uchi » en japonais, sans domicile subjectif dans l'Autre et cela quelles que soient les relations affectives en jeu.
Je vous renvoie à un autre article du Monde du 29 juillet, intitulé : Au Japon, la garde partagée est un combat, (en France aussi mais différemment) qui mettait en exergue les différences sociologiques et subjectives qui existent au moment des séparations d'un couple chez les parents japonais par rapport aux modalités en usage en occident. Au Japon la garde alternée des enfants lors d'un divorce n'existe pratiquement pas et il est fréquent que l'ex-conjoint qui n'a pas la garde de son enfant ne soit même pas autorisé à lui rendre visite.  
Une autre façon d'aborder cette question de la névrose traumatique c'est de la prendre comme un concept psychanalytique au sens où Freud dans l'Au-delà du principe de plaisir nous dit que : « l'échec de la liaison de l'excitation pulsionnelle - l'échec du passage du processus primaire (représentation de choses) au processus secondaire (représentation de mots) - [cet échec] produit une perturbation analogue à celle de la névrose traumatique ». Dans la névrose traumatique il s'agit d'obtenir la liaison de l'énergie, la liaison de l'excitation inassimilable. Là où c'était, le réel, le sujet (Je) ne parvient pas à advenir, à assumer les traces mnésiques (c'était) comme siennes. Si nous suivons Freud à la lumière de cette question de la névrose traumatique le problème qui se pose sera de savoir si, alors que pour Freud le traumatisme est toujours de nature sexuelle, l'est-il toujours dans la névrose traumatique ? Charles Melman posait la question de savoir si l'enfant dans la névrose traumatique aurait encore quelque chose à sacrifier qui puisse prendre sens sexuel. Un inconscient qui n'aurait plus sens sexuel mais comment cela resterait-il lisible avec la doxa qui veut que tout refoulement soit sexuel ? Une chaîne signifiante non vectorisée par le phallus symbolique, comment comprendre cela ?
Il me semble que si l'objet du refoulement, le phallus, est toujours sexuel, ce que vient nous montrer la névrose traumatique c'est ce qui renvoie à la mise en place du refoulement réel, refoulement originaire - l'objet dans sa face réelle (cauchemars) ou dans sa face imaginaire (le trou dévorant de la pulsion) - ou si vous voulez cela renvoie le sujet à l'Hilflosigkeit, à la détresse fondamentale de sa relation à l'Autre du besoin et à la dialectique vie, mort qui caractérise cette phase.
Pour Charles Melman Refoulement et déterminisme des névroses, au stade du refoulement réel, originaire, le refoulement propre au jeu du langage, c'est la lettre qui est refoulée. « À ce stade, ce qui est refoulé est porteur d'un effet de signifiance dans la chaîne mais cette signifiance est énigmatique (Che Vuoï ?). Les signifiants sont bien des symboles d'une perte mais de quelle perte s'agit-il à ce stade ? Parmi les signifiants énigmatiques de cet x qui a chu le phallus est l'un des éléments de la signifiance produite. Mais il y en a d'autres, par exemple, la mort, le destin, l'ogre, le monstre... La signifiance phallique n'est que l'une des interprétations de cet x. Le sexuel lui, se présente plutôt comme ce qui serait dérobé à la mort et irait contre cette autre signifiance qui serait la mort. Le sexuel vient élaguer toutes ces signifiances qui ne sont pas dévolues à la jouissance de l'Autre et permet la mise en place de l'idéal du moi. ».  La vie et la mort de la dialectique initiale du rapport à l'Autre primordial et un élément tiers, le phallus, le sexuel, se trouvent alors liés, noués. Dans la névrose traumatique il y aurait donc un dénouage des registres R.S.I, dénouage des refoulements symboliques imaginaires et réel, une fixation sur une signifiance par exemple la mort, une imaginarisation du symbolique pour se défendre du réel.
Dans la névrose traumatique nous avons affaire, me semble-t-il,  à des monstres, au sens ou Charles Melman en parle dans son séminaire c'est-à-dire à des sujets qui d'une façon plus ou moins temporaire vont se trouver confrontés à ce trou dans l'Autre, trou qui ne se trouve plus pacifié par le phallus ce qui les confine à une jouissance de la lettre, à viser la jouissance perdue, sans que cette perte puisse être rapportée au Nom du Père. Pour se trouver dans cette disposition ces sujets procèdent-ils à une récusation plus ou moins temporaire du Nom du Père ?
 Les questions actuelles sur la filiation et la clinique des enfants adoptifs nous permettent peut-être d'avancer un peu plus sur cette question. Notons d'une part que dans son dernier livre La distinction de sexe la sociologue Irène Théry fait état qu'un nombre très important d'enfants adoptés ou issus de procréation médicalement assistée qui seraient dans une quête de leurs origines. Elle note que ces enfants sont traumatisés c'est-à-dire, je la cite, « incapables de lier leur engendrement au sexuel, leur mortalité à leur naissance, comme si leurs corps étaient déréalisés. » et elle nous dit : « Le droit a effacé purement et simplement une part de l'histoire de l'enfant en la lui rendant inaccessible... ». Ici elle fait référence à l'anonymat des dons de sperme, d'ovocytes, d'embryons, du nom des géniteurs lors de l'accouchement sous X, etc. Forte de ce constat elle prône qu'il n'y ait plus, de par le discours juridique, de caché, de non dit sur les origines de ces enfants afin de rétablir ces enfants dans une lignée et dans une histoire. Sous couvert de refondation des relations de parenté elle prône un dévoilement des origines, qui deviennent dès lors multiples (parents de naissance, parents adoptifs, beaux-parents), un dévoilement de l'origine. Plus de caché sur l'origine de l'enfant issu d'une procréation médicalement assistée ? D'où s'origine le spermatozoïde dont est issu tel enfant ? Est-ce que cette bonne intention ne risque pas d'amener un glissement vers une nouvelle forme de folie des origines, à une mise en relation directe avec le trou ? N'est-ce pas une invite à l'errance dont pâtit déjà l'enfant adoptif quand il ne parvient pas à se décoller du présent pour se rattacher au passé ? Si son diagnostic clinique est juste, l'erreur d'Irène Thery, me semble-t-il, est de situer le refoulement du côté du discours juridique et non pas dans la langue comme fait de structure. Il s'agirait alors plutôt de censure que de refoulement.
Nazir Hamad, Adoption et parenté : questions actuelles, dans sa lecture de ces questions relatives à l'adoption et à la filiation est plus nuancé. Il nous indique que si l'enfant adoptif est amputé de l'histoire de son origine, il a à se construire une fiction individuelle et qu'un récit historicisé n'a pas besoin d'être évènementiel et historique pour résonner chez l'enfant. C'est justement du fait qu'il ne soit plus évènementiel, matériel, sous une forme ou une autre « je suis un enfant adopté», (cf. « je suis un traumatisé, une victime ») qu'il parvient à faire jouer l'équivoque propre à la langue, glissement de la face événementielle, réelle du trauma à sa face fantasmatique. Il ne s'agit plus alors d'une imaginarisation du symbolique pour se défendre contre le réel mais au contraire de la mise en place de la castration. Cela nous donne peut-être des pistes de travail dans la direction des cures pour permettre à un sujet une lecture qui ne soit plus évènementielle mais une construction fictionnelle.
Pour finir : cet hiver, la lecture d'un roman, L'attentat de Yasmina Khadra, est venue me rappeler comment se  pose aujourd'hui en filigrane la question de l'actualité de la névrose traumatique. 
L'attentat : à Tel-Aviv une jeune femme kamikaze se fait exploser dans un restaurant. Son mari, chirurgien israélien d'origine arabe, doit examiner le corps du kamikaze et il découvre à ce moment là qu'il s'agit de son épouse. Il va se trouver complètement incapable d'opérer, c'est le cas de le dire, avec ce réel traumatique, réel redoublé de sa relation conjugale et ceci malgré l'intervention d'une femme qui a une attention et une inclination marquée envers lui. Il ne s'agit pas au sens strict d'une névrose traumatique mais chaque fois qu'il ferme les yeux il revoit le sourire de sa femme... Il ne peut plus être représenté comme sujet entre deux signifiants, israélien et arabe, et ne peut parvenir à prendre en compte l'impossible, cet élément tiers entre ces deux signifiants. Il est fixé à une signifiance et part dans une quête des origines.
Plus il va vouloir comprendre - la pensée comme tentative de venir saisir le réel en cause - pourquoi sa femme est devenue une terroriste (quel est le signe qu'elle lui a adressé et qu'il n'a pas su saisir) et plus se délient pour lui les liens affectifs et professionnels qui lui assuraient une place sociale et faisaient tenir symboliquement sa subjectivité. Par un cruel retour du refoulé il devient suspect pour les services secrets israéliens et l'objet de violences de la part de son voisinage puis de la part de son peuple. Ce qui lui vient de l'Autre ce ne sont plus que des vœux de mort. Cet homme se retrouve sans lieu pacifié dans l'Autre, sans le Heim que cette femme venait incarner pour lui.
Ce qui m'a questionné c'est ce qui fait que cet homme ne parvient pas à assumer ce réel traumatique. Il ne parvient pas comme il le dit fort joliment à réinventer la vie là où la mort a choisi d'opérer et il le paye de sa vie à la fin du roman. Il s'agit, me semble-t-il, à chaque fois d'une historisation qui ne parvient pas à dégager le caractère opératoire du refoulement c'est à dire le jeu métaphorique propre à la langue. Est-ce toujours possible ?
Sa femme est-elle venue réaliser ce qu'elle pouvait lui reprocher de ne pas avoir fait, se battre pour son peuple opprimé, pour son au-moins-un ? Faut-il pourtant qu'il accomplisse un tel devoir par rapport à ce qu'il découvre de son peuple ? Si sa vocation de médecin lui avait interdit d'accepter que la mort devienne une ambition c'était masqué par sa relation avec une belle image de réussite conjugale et professionnelle. Et s'il ne lui est pas possible de prendre le parti de la vie, de sa vie  c'est parce qu'il ne peut pas entendre au delà du désir de l'Autre (la femme qui a une inclination pour lui) la signifiance phallique. La prise en compte de cette question pourrait venir pacifier bien des guerres au sein des couples. Il resterait à reprendre la question du sentiment d'humiliation si prégnante dans ce roman mais aussi dans nombre de situations cliniques aujourd'hui.
Pour conclure : J'ai essayé de montrer comment s'organisent aujourd'hui diverses modalités de défense par rapport au désir, qui privilégient le refoulement imaginaire, soit la mise en avant du corps, ou l'éjection d'un sujet hors d'un discours. Quand cette tentative d'annulation du trauma se conjugue à une action directe sur la jouissance du corps les manifestations de retour du refoulé dans le réel ne sont pas bien loin.
Passion du traumatisme ou annulation du traumatisme sont les deux faces non symétriques de la même tentative de se passer du refoulement  symbolique, de se passer de la castration. La primauté donnée à la face évènementielle du trauma, au temps réel ne fait que renforcer la prise du sujet par le signifiant dans la névrose traumatique ;
Ce refus du sexuel, de ce qui vient organiser l'inconscient à partir du sexuel laisse le sujet dans une indistinction quant au sexe et quant à la façon dont il a à assumer son désir en tant qu'homme ou en tant que femme. Cette passion et cette annulation ont un prix subjectif, l'errance et le retour du refoulé dans le réel et une fermeture par rapport à l'Altérité.
Aujourd'hui certains sujets - mais faut-il employer ce terme de sujet à ce moment - n'ont peut-être même pas le temps de se constituer un évènementiel d'où un glissement incessant d'un signifiant à un autre, objets dans notre monde de marchandisation de la vie, de la mort, des relations sociales, conjugales ? Le veau d'or formolé vendu cette semaine à Londres 13 millions d'euros par un artiste contemporain n'est-il pas aujourd'hui l'icône de cette dématérialisation/matérialisation de l'objet dans son rapport avec la pulsion de mort qui agit en silence ?
 
Jean-Paul Hiltenbrand : Ce n'est pas parce que le non rapport sexuel est un Réel que pour autant il ne peut pas être refoulé. Dans la disposition par exemple, la tendance moderne de l'égalitarisme entre homme et femme, ce qui va être refoulé c'est ce qui va s'imposer en arrière-plan comme Réel. Donc que l'objet lui-même soit réel n'empêche pas une opération symbolique de surcroît.
Il me semble que votre exposé, Frédéric, pose un certain nombre de problèmes et un tout particulier. Je crois que ce terme de névrose traumatique est sans doute un terme d'époque du travail de Freud mais qu'aujourd'hui nous devons le considérer comme étant un peu abusif ou jetant un peu de flou sur quelque chose de tout à fait précis. Il y a les traumatismes qui sont physiques, psychiques, tout ce que vous voulez, et qui ne concernent aucunement le champ du sexuel. Il n'est pas sûr que dans ce cas-là nous soyons encore dans le champ de la névrose et j'en voudrais pour preuve clinique toute simple le fait que les traumatismes qui ne concernent pas le sexuel font toujours problème dans notre clinique au niveau du transfert. C'est-à-dire que ces patients demandent légitimement une sorte de réparation du dommage qu'ils ont subi. Dans le sexuel,  ce serait quoi la réparation du dommage que vous avez subi ? C'est réparable dans le sexuel ? Est-ce que c'est de la même nature ?
Il faut séparer, scinder l'histoire du traumatisme. C'est peut-être plutôt quelque chose de l'ordre de la forclusion et non du refoulement qui concerne le traumatisme physique ou psychique ordinaire. Quand vous sortez d'un accident de train comme Freud le situe, vous ne pouvez absolument pas intégrer ce traumatisme dans le champ de la subjectivité et du sexuel. C'est inassimilable, ça reste étranger, c'est un corps étranger, ça reste à l'extérieur ; d'où les difficultés que nous rencontrons dans la clinique au niveau transférentiel. Ce qui a été évoqué avec les équipes qui interviennent à la suite d'un traumatisme est un problème qui concerne les modalités de la mémoire, et je ne crois pas que nous puissions superposer les modalités de la mémoire dans l'épopée personnelle avec le dispositif du refoulement qui lui est étroitement engagé dans la relation à la parole.
Le concept de refoulement n'est pas, comme on le croyait au départ, lié à une certaine moralité viennoise, ou séculaire, ou traditionnelle. Nous avons quand même fait un peu de chemin et cela essentiellement grâce à Lacan, pour affirmer que ce qui est du refoulé,  ce n'est que dans le champ de la parole ou du langage que nous allons le retrouver. Sinon je ne vois pas où les analystes iraient opérer dans leur travail. Cette distinction, cette définition doctrinale si vous voulez, du refoulement nous permet aussi de distinguer ce qui est de l'ordre du trauma, du trauma en général, et ce qui est du registre dans la subjectivité, du traumatisme. On peut travailler sur le discours qui est pris dans le traumatisme mais sur le traumatisme lui-même, non. Je crois que c'est une règle tout à fait claire quand on définit doctrinalement le refoulement.

Frédéric Davion : Pour Freud c'est assez clair, le traumatisme c'est le traumatisme psychique, la névrose d'accident ce ne sont pas les personnes qui sont blessées physiquement.  Ce n'est pas de ces traumas-là dont il parle, ceux-là effectivement  sont peut-être blessées dans leur chair, ils peuvent avoir des positions de revendication voire même des tableaux plus compliqués de paranoïa, mais il me semble que Freud précise bien ce qu'est la névrose traumatique : c'est le traumatisme psychique, il n'y a pas de lésion.

Martine Lerude : Je crois que ce qui est important, c'est qu'il y a aussi de l'ininterprétable. Pouvoir effectivement situer l'ininterprétable, c'est ce qui peut permettre, comme le disait Jean-Paul, de travailler sur le discours. Et je trouve que ce que vous avez très bien montré  avec l'évocation de ces signifiants que plus personne ne peut plus endosser,  c'est-à-dire lorsque  le discours  des ministres ne peut plus parler de guerre, c'est un mot qui doit disparaître, quand on traite l'enterrement de ces militaires comme des civils, c'est-à-dire que les familles sont envoyées en Afghanistan pour aller voire le lieu où leurs fils sont tombés, - on le traite du côté de la victimisation - , là il n'y a effectivement plus un discours qui vient donner du sens du sens, même s'il y a du pas de sens, mais qui vient donner du sens social. Alors comment travailler sur le discours quand le discours social se trouve complètement diffluent, comme vous l'avez montré, et surtout devenu parfaitement  inconsistant ? Là on est d'autant plus dans une impasse : on ne va pas créer des sens, on bute sur un non-sens. Vous l'avez bien montré en évoquant Irène Théry, on pourra toujours trouver qui a donné le spermatozoïde, qui a donné l'ovule, mettre un nom mais il n'empêche que, pourquoi cet ovule-là ? Pourquoi ce spermatozoïde-là ? C'est-à-dire que la question de l'origine sera toujours une question qui viendra buter sur la contingence. Alors comment faire avec ce qui est de l'ordre de la contingence ? C'est ce qu'il y a de plus inacceptable ce qui est de l'ordre de la contingence, comment faire ? Tant qu'on peut produire du sens on est à l'aise, d'ailleurs les églises sont là pour en produire. Et je crois que c'est un des grands points d'impasse dans lequel on se trouve situé. Est-ce que nous aussi nous allons être tentés de produire du sens ou au contraire est-ce que l'on va permettre au patient de produire ses propres fictions, comme vous l'avez situé ? Mais les propres fictions, elles, tournent toujours autour d'un non sens radical sens et c'est là-dessus que je voulais insister.