Introduction aux journées sur l'anamnèse du 9 juin 2012

...il va nous permettre d'aborder ce qui est en jeu dans les premières rencontres avec l'enfant, l'adolescent, les parents, que ce soit en institution ou en cabinet.

Ces premiers entretiens, ou entretiens préliminaires sont, dans le cadre de la psychanalyse de l'enfant, très spécifiques, je l'aborderai. Notons que ces entretiens préliminaires restent quelquefois les seuls entretiens. Il y a toujours, avec l'enfant, une certaine urgence.

Nous avons proposé, Paule Cacciali, Dominique Janin-Duc et moi-même, pour cette rencontre de psychanalyse de l'enfant le thème de l'anamnèse. Ce thème est, me semble-t-il, bien venu, puisqu'il va nous permettre d'aborder ce qui est en jeu dans les premières rencontres avec l'enfant, l'adolescent, les parents, que ce soit en institution ou en cabinet.

Ces premiers entretiens, ou entretiens préliminaires sont, dans le cadre de la psychanalyse de l'enfant, très spécifiques, je l'aborderai. Notons que ces entretiens préliminaires restent quelquefois les seuls entretiens. Il y a toujours, avec l'enfant, une certaine urgence.

Anamnèse est un terme qui vient du grec et désigne le retour des souvenirs... se ressouvenir. Il renvoie aussi à l'idée de bas en haut, ceci n'est pas sans évoquer ce qui pourrait s'apparenter à une construction : on construit un édifice du bas des fondations au toit. Cela s'oppose à cata : de haut en bas. L'anamnèse inscrit aussi l'idée d'une diachronie et désigne ainsi, en médecine, l'histoire de la maladie. La synchronie, en tant qu'elle est structure, va se dégager de la diachronie de l'entretien.

Avec ce terme d'anamnèse, nous nous trouvons à une sorte de carrefour entre mémoire, souvenir, construction, diachronie... fantasme... et bien sûr aussi, histoire de la maladie. Avant de parler de ce qui est en jeu, dans cette première rencontre avec l'enfant et l'adolescent à propos de l'anamnèse, avant de vous présenter les points, les questions, les embarras qui se posent à nous, praticiens, à l'heure actuelle, je voudrais vous parler de la façon dont cette question a été abordée par Freud, Lacan, Mélanie Klein, même si c'est un abord indirect.

Freud écrit à Wilhelm Fliess, le 20 septembre 1897 : « Je ne crois plus à ma neurotica (théorie des névroses) » Freud donne à cela plusieurs raisons. J'insisterai sur la troisième raison qu'il donne dans sa lettre, et qui est : « ...la conviction qu'il n'existe dans l'inconscient aucun indice de réalité, de telle sorte qu'il est impossible de distinguer l'une de l'autre la vérité et la fiction investie d'affect... une solution reste possible... fournie par le fait que le fantasme sexuel se joue autour des parents ».

« Quand on constate que l'inconscient n'arrive jamais à vaincre la résistance du conscient, on cesse d'espérer que pendant l'analyse le processus inverse puisse se produire, et aboutir à une domination complète de l'inconscient par le conscient ». « J'étais prêt à renoncer par rapport à la névrose, à la connaissance exacte de son étiologie dans l'enfance. Il semble douteux que des incidents survenus tardivement puissent susciter des fantasmes remontant à l'enfance. »

À propos de l'hystérie, Freud confie à Fliess qu'il a abandonné l'idée d'une séduction réelle. Il rompt en cela avec l'idée d'une réalité factuelle, pour aborder les choses sur le plan fantasmatique.

La deuxième référence chez Freud, c'est le travail avec le père du petit Hans, et Hans lui-même, dont je rappelle qu'il ne le verra qu'une fois. Le cas du petit Hans est présenté dans « Analyse d'une phobie chez un petit garçon de 5 ans », un texte de 1909.

Pour ce qui nous intéresse aujourd'hui je voulais souligner ce que Freud rapporte dans le deuxième chapitre du cas, qui s'intitule « Histoire de la maladie et analyse » : cette histoire de la maladie pourrait laisser supposer un compte rendu clinique, sémiologique et anamnestique. Or il n'en est rien, et comme vous le savez, cette histoire de la maladie est le verbatim recueilli par le père auprès de Hans, verbatim destiné à être remis à Freud. Il s'agit dans cette histoire de la maladie, d'une anamnèse à fait particulière. Il n'y est pas question d'histoire ni de biographie. « Nous commencerons - rapporte Freud - par examiner le matériel qu'il nous fournit ». Ce que Freud appelle le matériel, c'est un matériel signifiant, ce n'est pas un récit. La seule intervention, interprétation de Freud qu'il fait à Hans est la suivante : « Bien avant qu'il ne vînt au monde, j'avais déjà su qu'un petit Hans naîtrait un jour qui aimerait tellement sa mère qu'il serait par suite forcé d'avoir peur de son père, et je l'avais annoncé à son père. » Freud intervient au niveau de la préhistoire. Ce n'est pas l'histoire, c'est l'histoire d'avant le sujet. Ce n'est pas sur le signifiant qu'il intervient, mais il introduit le sexuel, comme pour Hans, en abordant avec lui d'où il vient.

Enfin, troisième texte chez Freud, intitulé « Constructions dans l'analyse » de 1937 : « On peut parler de constructions quand on présente à l'analysé une période oubliée de sa préhistoire » « Jusqu'à votre énième anniversaire, vous vous êtes considéré comme le possesseur unique et absolu de votre mère... à ce moment-là, un deuxième enfant est arrivé, et avec lui une forte déception, vos sentiments envers elle sont devenus ambivalents, votre père a acquis une nouvelle signification pour vous ». Freud insiste sur le fait que la construction porte sur la préhistoire du sujet. Pour Freud, la construction concerne les souvenirs oubliés, la vérité historique que lui, Freud, articule à la question du rapport à la réalité, qui est bien différente de l'interprétation qui porte sur le signifiant.

Quelques mots sur la pratique de Mélanie Klein, qui, elle, dans sa clinique, ne faisait pas de travail anamnestique à proprement parler. On a interprété à tort qu'elle rejetait les parents, ce qui n'est pas le cas. Elle avait le souci d'établir une relation de confiance avec eux, un transfert avec les parents. Elle demande quelques renseignements sur la façon dont on nomme dans la famille, le sexe, la défécation, qu'elle va utiliser pour parler avec l'enfant. Elle considère que la cure se déroule avec l'analyste et l'enfant, et ce que ce dernier perçoit des parents fantasmés. La collaboration avec les parents ne sera active que dans des cas d'angoisse majeure, ou quand des résistances importantes seront mises en place par les parents pour emmener leur enfant en analyse.

Jacques Lacan n'a pas parlé directement d'anamnèse, encore moins par rapport à la psychanalyse de l'enfant. Il a toujours insisté sur la nécessité, quand nous recevons un patient, de savoir à qui nous avons affaire, et de pouvoir repérer la névrose infantile du patient.

Marcel Czermak, psychiatre psychanalyste de l'ALI, lors d'une rencontre avec l'EPEP (École de psychanalyse de l'enfant de Paris fondée par Jean Bergès) insistait sur l'importance des entretiens préliminaires, rappelant que l'enjeu de ces entretiens était d'introduire un sujet à son réel. Le patient peut avoir une idée de son symptôme, mais par rapport à son réel, c'est une autre affaire. Quelle mesure préventive le patient a-t-il mis en place pour se prémunir de son désir ?

Il insistait sur le fait de combiner, dans les entretiens préliminaires avec l'enfant, l'anamnèse, comme récit plutôt que tableau, et le texte de la névrose infantile. Nous avons toujours à nous poser la question - dit-il - : « est-ce que l'histoire va nous aider par rapport à la structure ? »

Jacques Lacan, lui, fait référence à l'anamnèse, ou plus précisément au rapport du sujet à l'histoire, à son histoire, à son passé. À propos de Freud, il dit ceci : « Le progrès de Freud est dans la façon de prendre un cas dans sa singularité, ce qui veut dire... que la dimension propre de l'analyse c'est la réintégration par le sujet de son histoire ». Est-ce un accent mis sur le passé, comme il peut le paraître au premier abord ? « L'histoire n'est pas le passé, l'histoire, c'est le passé pour autant qu'il est historisé dans le présent, historisé dans le présent parce qu'il a été vécu dans le passé. Ce qui compte, ce n'est pas ce que le sujet se remémore... c'est ce qu'il en reconstruit. Il s'agit de lecture. Ce dont il s'agit, c'est moins de se souvenir que de réécrire l'histoire. » (Écrits techniques)

L'autre article, dans les Écrits concerne - c'est à mon avis un point central - dans lequel se débattent les institutions pour enfants, à vouloir mettre en commun les informations concernant l'enfant. Ce point central concerne la question de la vérité contenue dans les événements de la vie du patient. Lacan, dans Fonction et champ de la parole et du langage : « L'ambiguïté de la révélation hystérique du passé ne tient pas tant à la vacillation de son contenu entre l'imaginaire et le réel... c'est qu'elle nous présente la naissance de la vérité dans la parole.

Il ne s'agit pour Freud ni de mémoire biologique, ni de sa mystification intuitionniste, ni de la paramnésie du symptôme (tendance à l'affabulation) mais de remémoration, c'est-à-dire d'histoire faisant reposer sur le seul couteau des certitudes de dates la balance où les conjectures sur le passé font osciller les promesses du futur. » « Il ne s'agit pas dans l'anamnèse psychanalytique de réalité, mais de vérité » et encore l'inconscient « est ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc, ou occupé par un mensonge, c'est le chapitre censuré, mais la vérité peut être retrouvée : dans les monuments dans les documents d'archives aussi et ce sont les souvenirs de mon enfance impénétrables dans l'évolution sémantique dans les traditions dans les traces. »

« Les événements s'engendrent dans une historisation primaire, autrement dit, l'histoire se fait déjà sur la scène où on la jouera une fois écrite, au for interne comme au for extérieur. »

Ce qui signifie que l'histoire s'écrira sur quelque chose qui sera à la fois intérieur et extérieur au sujet. Les événements s'engendrent avant que cela soit écrit. C'est écrit quand c'est mis sous la forme d'un récit.

Je vais m'arrêter là en ce qui concerne Freud, Lacan, et Mélanie Klein par rapport à l'anamnèse. Freud s'est intéressé à l'anamnèse, à la vérité historique, comme pouvant fournir une explication, rendre compte d'une cause au symptôme. Lacan réinterprète cela en disant : « Il n'y a de vérité historique que celle que je suis amené à reconstruire en fonction des tâches que le réel impliqué par cette réécriture va m'imposer. »

Alors pour nous cliniciens avec les enfants, en institution ou en cabinet, quelles sont nos questions, nos interrogations par rapport à l'anamnèse ? Les premiers entretiens en clinique de l'enfant sont tout à fait particuliers, et c'est même là une des grandes spécificités du travail avec l'enfant. Pas la seule mais celle-ci est importante. Nous sommes d'emblée confrontés en ce qui concerne l'anamnèse à la place des parents dans le dispositif de l'entretien. En effet, un enfant ne vient pratiquement jamais seul, il ne demande en général, au moins dans un premier temps il ne demande rien. C'est l'école, le médecin, relayés par les parents qui font la demande. L'enfant ne se plaint pas, ou très rarement d'un symptôme. Pour un enfant, la demande explicite est faite par un autre (petit autre) que lui. Je dis la demande explicite, puisque, bien sûr, nous supposons qu'une demande est possible chez l'enfant. On fait cette hypothèse dans tous les cas. 

Quand nous recevons l'enfant et ses parents, à quoi nous attachons-nous ? Il y a d'emblée les questions que se pose tout clinicien d'enfant concernant le symptôme. À qui appartient le symptôme ? Est-ce celui de l'enfant, de la mère, plus rarement du père ? C'est ce symptôme dont parlent les parents. Est-ce un vrai symptôme, articulé au refoulement originaire organisateur de la structure, ou est-ce un symptôme qui se trouve - je cite Lacan - « en place de répondre à ce qu'il y a de symptomatique dans la structure familiale ». C'est-à-dire quand l'instance phallique mise en place dans la famille, qui a permis à l'enfant de faire des identifications, est malmenée, perturbée comme dans un divorce pour prendre l'exemple le plus courant. Quand vole en éclats ce qui s'était constitué pour l'enfant, il peut faire, cet enfant, ce que nous avons l'habitude d'appeler après Freud une névrose actuelle, qu'on pourrait dire aussi réactionnelle, mais aussi une névrose traumatique.

Une façon pour l'enfant de ne pas vouloir se prêter à ce qui se passe, ou au contraire vouloir à tout prix faire tenir les affaires. L'enfant moderne est aux prises, et nous avec lui, à des difficultés particulières, que j'appellerais des difficultés de lecture pour nous, pour les parents et bien sûr pour l'enfant. Des difficultés de lecture de sa symptomatologie. En effet, les enfants que nous recevons aujourd'hui sont-ils inscrits de la même façon dans la structure familiale et sociale qu'autrefois ? Leur symptomatologie n'est peut-être pas différente, mais surtout comme le rappelait Jean-Jacques Tyszler, c'est l'entour symbolique de la structure qui est différent. Il n'y a pas disparition des névroses freudiennes, mais elles ne sont plus lisibles de la même façon, du fait d'une disposition symbolique, sociale et familiale peu articulée.

L'enfant moderne est en même temps « érigé », il semble être au centre de la structure familiale (devant accomplir un idéal de bonheur, puisque tout est fait pour qu'il soit heureux) et en même temps, dans le souhait de l'autonomiser, de le faire grandir très vite, d'en faire un être à part entière (on lui demande son avis sur tout), cet enfant-là est exclu, abandonné, et désaliéné. (si nous prenons les cas de divorce nombreux, et les affaires de garde alternées, que l'enfant doit porter, c'est très problématique).

Le centre de gravité pour l'enfant et pour les parents s'est déplacé. C'est autour de lui, l'enfant, que la structure familiale s'organise. Si l'enfant est symbolique du désir à l'œuvre entre un homme et une femme, symbolique du manque inscrit dans la disparité homme/femme, il n'est en rien autonome. Sa construction psychique s'inscrit dans les fantasmes parentaux, et dans le rapport que chacun des parents entretient avec la Loi Symbolique, et avec la castration.

Lors des premiers entretiens je suis toujours frappée par le fait que ce qui ne va pas pour l'enfant est présenté par ses parents de façon quasi opératoire. Les parents se font l'écho de ce qu'on attend d'eux (l'École, le social). Ils s'attendent à être jugés par rapport à ce qui ne va pas pour leur enfant, par rapport à la norme. La norme, ce n'est pas le symptôme. Chacun de nous a rencontré ces mères qui rentrent effondrées d'une rencontre avec une institutrice qui leur a dit ce qui n'allait pas. Ces femmes se trouvent coupables de ne pas avoir fait ce qui était nécessaire pour que ça « aille » à l'école.

Le travail qui peut mener à la construction d'une anamnèse se doit d'abord de marquer une distance par rapport à ce caractère opératoire mis en avant en début d'entretien.

Notre souci par rapport à l'anamnèse, c'est, comme le rappelait Marcel Czermak, de poser les bonnes questions, les questions qui réinscrivent l'enfant dans leur vie. Comment l'enfant est-il arrivé au monde, comment se sont passées les premières années, et surtout, ce qu'ils en pensent eux, puisque souvent, leurs propos, leurs commentaires, leur plainte ne sont pas au moins dans un premier temps articulées à leur vie. Ils font une description minutieuse des symptômes, comme s'il s'agissait d'une description clinique. Ils sont inquiets, affectés, mais ont beaucoup de mal à réintégrer cela dans leur vie... d'avant l'enfant, et leur vie avec l'enfant. Ils sont pris eux-mêmes dans un discours qui les somme d'être des bons parents, bons en parentalité, comme on est bon en maths ou en sport.

Je suis toujours assez interrogative devant ces enfants qui présentent des problèmes de repérage temporo-spatial (le jour, les lieux) et surtout le repérage dans la filiation (qu'est-ce qu'un oncle, un grand-père, un beau-frère, etc.). L'émancipation de l'enfant le met dans une situation « désaliénée » symboliquement. Le travail de l'anamnèse et des entretiens préliminaires est de permettre à l'enfant de s'inscrire ou de se réinscrire dans son histoire, dans leur histoire, dans la filiation. Ceci consiste à inviter les parents par ce travail anamnestique à parler de leur place d'homme et de femme, et de leur relation. Ce qui concerne, il me semble, la préhistoire de l'enfant. C'est un détour nécessaire pour que l'enfant retrouve une place « en creux », c'est-à-dire se retrouve à la place de ce manque dont il s'inaugure. C'est ce qui va lui permettre sa lecture à lui (peut-être plus tard) du refoulement parental dont il est issu et d'entendre les discordances. Bien sûr, les parents ne disent comme nous que ce qu'ils savent. Mais l'enfant, lors des premiers entretiens entend quelquefois pour la première fois l'histoire, son histoire, leur histoire, sa préhistoire. La vérité de l'inconscient n'est pas articulée à l'exactitude des faits. L'anamnèse est une construction. Les récits des parents ne sont pas, bien sûr, une vérité historique (mais les parents rapportent des faits, des événements, des dates). Ce n'est pas une vérité historique, c'est un savoir inconscient qui s'énonce à leur insu, et introduit l'enfant dans sa propre histoire. Cela peut souvent venir éclairer quelle place il occupe pour ses parents.

Ce travail d'anamnèse permet d'appréhender si le ou les symptômes de l'enfant sont le résultat d'un processus psychique, celui du refoulement, celui de la névrose infantile, ou bien si le symptôme témoigne de ce dans quoi il est pris, réseau de structure de l'inconscient parental. Vérité de l'inconscient parental, maternel, ou de ce qui ne marche pas dans le couple.

Les articulations signifiantes inscrivent le sujet comme effet du discours parental avant même sa naissance. Mais l'enfant n'est pas qu'objet du désir de l'Autre.

D'être porteur d'un symptôme ne lui enlève rien de sa responsabilité, c'est aussi ce qui va permettre un travail avec lui, et le repérage de la névrose infantile. (se déloger de sa place de petit trésor, de phallus imaginaire, avec l'introduction du sexuel) ce qui va entraîner que ces autres réels que sont ses parents occupent une place symbolique. « Nous acceptons en effet, dit Lacan, une part de déterminisme qui remonte au moins à deux générations d'avant le sujet... déjà son existence est plaidée, innocente ou coupable, avant qu'il ne vienne au monde ».

Les entretiens préliminaires et l'anamnèse permettent d'apprécier l'engagement transférentiel des parents par rapport à la cure de leur enfant, mais aussi d'entendre ce que l'enfant va pouvoir aborder sans se mettre dans une situation trop difficile par rapport à eux. Il s'agit pour lui, l'enfant, de faire un problème de ses problèmes, de passer de celui qui est un symptôme à celui qui en a un, ce qui n'est rien d'autre qu'une déclinaison du « Wo es war soll ich werden » de Freud.

Avec l'anamnèse, qui est loin d'être une pratique systématique dans les premiers entretiens, nous sommes pris dans un écart entre exactitude par rapport aux faits, aux événements, et vérité. Nous sommes parfois plutôt freudiens, parfois plutôt lacaniens. Mais bien souvent, de plus en plus souvent, le défaut d'arrimage de l'enfant dans le social nous oblige à pratiquer ce travail d'anamnèse.

Pour illustrer mon propos, je vous propose une petite vignette clinique que j'ai empruntée à une collègue parisienne, Martine Lerude, et qui montre comment, lors des premiers entretiens, redonner à la métaphore son plein pouvoir.

Un garçon de cinq ans consulte pour un bégaiement. La mère indique des éléments biographiques, parle de son inquiétude, des études qu'il ne pourra pas faire. Elle remarque que son mari a bégayé, et cela a disparu à l'adolescence. Elle se souvient qu'à la naissance, lors de la première tétée l'enfant a fait une fausse route. Elle attribue le trouble actuel à cette fausse route. La fausse route constitue une métaphore qui appartient au réel du corps de l'enfant, et à l'imaginaire de la mère. Elle n'aime pas son mari, elle regrette sa province natale, elle ne veut plus d'enfant. Fausse route est une métaphore qui concerne la mère. Fausse route est bien la formule du symptôme en tant qu'il appartient au réel de l'enfant et au symbolique et à l'imaginaire de la mère. Elle en est le lien. Puisque cette année, un certain nombre d'entre nous travaille sur le séminaire RSI de Lacan, nous pouvons peut-être avancer que le travail de l'anamnèse lors des premiers entretiens avec l'enfant et ses parents permet que se nouent autrement, de façon moins symptomatique l'inconscient parental et celui de l'enfant.