Conférence de Jean-Luc Cacciali  le 23/ 01/ 2014 dans le cycle de l'ntroduction à la Psychanalyse 2013 - 2014

(…) le rêve, celui que Freud nomme « Le rêve de l’enfant qui brûle » se trouve dans la Traumdeutung, La science des rêves. Je vous parlerai aussi de l’impossible, l’impossible que Lacan nomme le Réel, et nous verrons pourquoi la psychanalyse met au centre de sa pratique le Réel, donc l’impossible. Je vous parlerai aussi de la filiation.

Ce cycle d’ introduction à la psychanalyse va s’appuyer sur un autre livre de Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne, qui a comme sous-titre « La psychanalyse appliquée à l’interprétation des actes de la vie quotidienne », donc vous verrez, beaucoup d’entre vous le connaissent déjà, que c’est un livre très original puisque Freud a étudié les manifestations de l’inconscient non seulement dans la clinique mais également dans les manifestations de la vie quotidienne, ce qui était à l’époque, c’est-à-dire en 1900, ce qui est quand même très original, c’est-à-dire de ne pas se cantonner uniquement à la pathologie. Ce sont le plus souvent des petites choses auxquelles d’ailleurs nous ne prêtons même pas attention, par exemple l’oubli d’un nom, un acte manqué, une erreur de lecture, une erreur d’écriture, et Freud appelle ces petites choses des « formations de l’inconscient ».

L’inconscient se manifeste par des trébuchements, par des achoppements qui concernent essentiellement la lettre. Et ces manifestations de l’inconscient permettent d’en étudier à la fois la constitution et à la fois le fonctionnement. L’inconscient se manifeste aussi dans le rêve. Freud lui a très tôt consacré un ouvrage : La science des rêves. La  science des rêves c’est 1900, Psychopathologie de la vie quotidienne c’est 1901.       

Il y aura un troisième livre de Freud qui est, ce sont un peu les débuts d’une certaine façon, Le mot d’esprit dans ses rapports avec l’inconscient, ça c’est 1905. Donc Freud a très tôt, 1900, consacré une grande étude aux rêves, La science des rêves. Pour lui, le rêve est la voie royale d’accès à l’inconscient, et son étude contribue à la connaissance des psychonévroses. Lacan fera lui aussi un séminaire, donc beaucoup plus tard, fin 57-58, un séminaire qu’il va intituler précisément « Les formations de l’inconscient ».

L’inconscient existait bien sûr avant Freud, mais Freud a fait une découverte extraordinaire qui est que l’inconscient parle. L’inconscient freudien – nous parlons de l’inconscient freudien, non pas parce que Freud a inventé l’inconscient, il existait avant lui, mais l’inconscient freudien, c’est un inconscient qui parle -, Freud l’a entendu dans la bouche des hystériques, mais elles lui ont demandé de se taire pour qu’il puisse l’entendre. La difficulté c’est que si l’inconscient parle, il ne parle pas en clair, il ne parle pas une langue. Quand il se manifeste, c’est sous forme de messages, de messages qui sont donc à déchiffrer. C’est pour cela que nous pouvons dire que la séance d’analyse n’est pas à écouter, mais qu’elle est à lire, ce qui pourrait paraitre un propos un peu surprenant mais l’inconscient est à lire.

Nous sommes des êtres parlants, des parlêtres dira Lacan, ce qui d’ailleurs en soi parlêtre est presqu’une définition de l’inconscient. L’être, notre être, et pas notre personne, notre être parle. L’enfant est entouré de discours qui vont le déterminer, nous sommes déterminés par le langage.

Le langage se constitue de trois dimensions. Le Réel, dont je vais parler un peu plus longuement, je vais vite, c’est pour vous donner des premiers axes pour cette première soirée. Donc trois constituants du langage, le Réel, le Symbolique, pour le dire rapidement, c’est l’ordre du signifiant, et l’Imaginaire, l’Imaginaire c’est bien sûr l’image mais pas seulement, c’est aussi le sens. Et ces trois constituants sont noués. Nous sommes donc constitués par ces trois dimensions du langage, nous pourrions dire que nous sommes des composés trinitaires. Je vais vous citer une petite phrase, les propos de quelqu’un : « Nous sommes des êtres tridimensionnels, dans un espace tridimensionnel », vous voyez, ce n’est pas très loin de ce que je viens de vous dire et ça ce sont les propos non pas d’un psychanalyste, ce sont les propos d’un mathématicien dans un livre de topologie. Donc, peut-être que nous ne délirons pas trop quand nous disons que nous sommes constitués par le langage, déterminés, on va dire, par le langage qui est constitué de trois dimensions.

L’enfant entouré de langage est soumis, disons, à une pluie d’éléments du langage et de tous ces éléments du langage qui le traverse certains vont rester. Je vais prendre une métaphore, certains vont rester pris dans le filet du signifiant de l’inconscient. Je vous dis « éléments du langage » car bien sûr cela peut être des mots, des signifiants mais aussi simplement quelques lettres, des morceaux de mot donc des éléments langagiers. Le langage a une matérialité, c’est le signifiant, Lacan dira la motérialité pour le faire entendre. Et cette matière peut fragmenter le signifiant, le signifiant peut se fragmenter en lettres.

Donc l’inconscient, bien qu’il parle, n’est pas une langue enfouie qu’il y aurait à découvrir. Il ne parle pas sous la forme d’une parole, il s’adresse à quelqu’un sous la forme de quelques lettres, et même une simple lettre peut suffire. Un jeune homme discute avec son amie des pays qu’ils aimeraient visiter ou ceux où ils n’aimeraient pas aller et lui dit que s’il y a un endroit où il aimerait surtout ne pas aller c’est en Amérique latrine. Il a suffi du surgissement d’une simple lettre, vous voyez, une petite lettre, un r, pour que l’inconscient se fasse entendre, qu’il puisse se faire entendre et aussi qu’il puisse être lu. C’est-à-dire qu’une simple lettre permet de dire tout autre chose que ce qui est dit. Et ce quelque chose qui se fait entendre dans ce petit exemple c’est la vérité, c’est même, on pourrait dire, une vérité irrécusable. Quand quelqu’un fait un lapsus, si ce soir je fais un lapsus, il y a toutes les chances que vous entendiez tous la même chose.

Donc, la structure de l’inconscient est littérale. C’est une écriture, c’est une combinaison de lettres. Pour le déchiffrer, il faut davantage s’appuyer sur le jeu de la lettre que sur le sens. La lettre en elle-même n’a aucun sens. Ce petit r qui a surgi n’a aucun sens ! Une simple lettre.

Le rêve est aussi à déchiffrer. Pour ce soir, le point qui va nous intéresser, en ce qui concerne le rêve, c’est qu’il y a une autre réalité que celle immédiatement présente dans le rêve. Il y a une réalité au-delà, nous pourrions dire une réalité plus vraie. Cette réalité plus vraie, que j’appelle  plus vraie, c’est le Réel. Le Réel ce n’est pas le réel qui nous entoure, ce n’est pas la réalité, au contraire nous ne pouvons même pas l’imaginer. A la fin de La Science des rêves, Freud se demande quelle est la réalité de l’inconscient. Pour lui il y a une distinction à faire entre la réalité de ce qui nous entoure et la réalité de l’inconscient. Ce qui amène une autre question : « Sommes-nous responsables de notre inconscient ? » Sommes-nous responsables de ce petit r qui a surgi d’un seul coup ?

Freud va répondre en distinguant une réalité matérielle et une réalité psychique. La réalité psychique est une forme particulière d’existence, celle des désirs inconscients, des désirs inconscients quand ils sont ramenés à leur expression dernière, et elle est ainsi la plus vraie. Du coup, il lui paraît injuste que les hommes se refusent à accepter la responsabilité de leurs rêves immoraux. Nous sommes responsables de notre inconscient. Et Freud ajoute ce conseil, avec beaucoup d’humour, qu’ « il est bon de savoir sur quel sol tourmenté se dresse fièrement nos vertus ». « Il est bon de savoir sur quel sol tourmenté se dresse fièrement nos vertus ». 

Le Réel n’est pas la réalité, mais il la conditionne. La réalité c’est ce qui marche, c’est ce qui fonctionne, c’est le monde qui nous entoure, alors que le Réel c’est ce qui ne marche pas. C’est le grain de sable qui fait que ça ne marche pas. C’est ce qui ne marche pas et qui en plus se répète. Vous savez que la répétition est une notion centrale pour la psychanalyse. La clinique, mais tout aussi bien la vie de chacun, nous montre que la rencontre du Réel, c’est-à-dire la rencontre de ce qui ne marche pas, a tendance à se répéter. De façon un peu surprenante, un échec, bien qu’il soit source de déplaisir, un échec peut tout à fait se répéter. C’est quand même un peu surprenant ! En tout cas, si ça ne vous étonne pas cela a étonné Freud. Cela a étonné Freud quand il étudie les rêves. Sa thèse, c’est que le rêve est un accomplissement de désir, un désir inconscient et refoulé. Alors Freud s’étonne parce qu’il y a des rêves traumatiques, où le traumatisme se répète. C’est-à-dire que la répétition répète la rencontre du Réel, c’est-à-dire ce qui ne marche pas, répète la rencontre de ce qui ne marche pas, c’est-à-dire répète la rencontre d’un Impossible.

A ce propos, je voudrais vous dire aussi quelques mots de la science, parce que la science, elle aussi, elle s’occupe du réel. Un réel, celui dont s’occupe la science, que nous appellerons le vrai réel pour le distinguer du Réel dont nous, nous nous occupons, et qui n’est pas le même. Il y a quelque chose qui existe, et qui pourtant est au-delà de la réalité, que la science ne peut atteindre qu’avec le calcul, c’est-à-dire qu’avec des écritures, des écritures mathématiques. Vous entendez le mot quand même « écritures mathématiques », l’inconscient aussi est une écriture. Quand par exemple, récemment, la sonde, le satellite (…), a envoyé un grand nombre de données, qui vont permettre, avec des formules mathématiques, le fameux Big bang on le connaît déjà, mais là de le connaître de façon précise et même probablement ce qu’il y a avant, des données qui vont être étudiées pendant des années. Et vous voyez, des données qui vont être étudiées avec des formules mathématiques. C’est-à-dire qu’il y a quelque chose qui n’est pas de l’ordre de la réalité et qui pourtant pourra être connu avec des écritures mathématiques.

Ne pensez pas que la notion d’Impossible soit une notion évidente. Très longtemps, il a été considéré que tout était possible et cela du fait de l’existence de Dieu. Si Dieu existe tout est possible puisque bien sûr tout lui est possible. Voyez, donc, la notion même d’Impossible n’a pas du tout été évidente dans l’histoire des idées, et même la science est réticente. Il y eut un petit tremblement de terre chez les mathématiciens quand Gödel, logicien et mathématicien autrichien, a avancé qu’en arithmétique des énoncés vrais ne sont pas démontrables bien qu’ils soient vrais. Ça pour la science ce n’est pas quelque chose de facile à admettre, c’est-à-dire qu’il y a des énoncés vrais et qu’ils ne pourront pas être démontrés. Alors Gödel le formalisera, ce que beaucoup d’entre vous connaissent,  sa formalisation va prendre le nom de Théorème de l’incomplétude, c’est-à-dire que dans tout système, il y a une partie du système qui ne peut pas être démontrée, aucune axiomatique ne peut être complète. Il existera toujours certaines propriétés des nombres qui sont vraies et que l’on ne pourra pas démontrer à partir d’axiomes. La science est réticente, elle était réticente à l’époque parce que la science préfère considérer que l’impossible n’est que provisoire, qu’il est dû à l’insuffisance des connaissances du moment. C’est-à-dire que ce qui est impossible aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain. Poincaré, le grand mathématicien, disait que « le hasard n’est que la mesure de notre ignorance » et que « l’univers n’est jamais hors la loi ». Alors ce réel, cet Impossible, celui que j’ai appelé le vrai réel, nous, nous n’y avons pas accès, seule la science y a accès avec l’écriture des équations.

Le Réel auquel la psychanalyse a affaire est le Réel au niveau des êtres vivants et en particulier au niveau de la sexualité. Elle découvre qu’entre un homme et une femme, il n’est pas possible d’établir un rapport sexuel. Bien sûr que cette affirmation est un peu bizarre, mais il faut entendre rapport au sens de rapport mathématique. Il est impossible d’écrire la formule du rapport sexuel entre un homme et une femme. Vous savez que Lacan l’a ramassé dans une formule : « Il n’y a pas de rapport sexuel inscriptible comme tel ». Le plus souvent on dit la première partie « Il n’y a pas de rapport sexuel », mais c’est « Il n’y a pas de rapport sexuel inscriptible comme tel ». Il ne peut pas s’écrire comme le ferait la science avec des équations.

La sexualité est sans espoir et nous nous en défendons, d’où la très riche clinique conjugale. La rencontre du Réel est donc une rencontre comme essentiellement manquée. Et bien sûr, nous avons tendance à nous en défendre car nous préférerions, (…) nous préférerions que la rencontre avec le Réel soit une rencontre réussie. C’est-à-dire que nous préfèrerions qu’il y ait un rapport sexuel réussi entre un homme et une femme. C’est-à-dire que nous pensons que si nous avions la formule, cela serait plutôt pas mal. La formule, mathématique hein, on saurait comment il faut faire. Nous pensons que cela nous simplifierait les choses. Alors que cet Impossible a l’intérêt de l’invention. Il a l’intérêt de nous pousser à l’invention. Vous voyez, quand je vous dis que c’est notre pente de penser que ce serait quand même plus simple si on avait la formule, alors que bien évidemment pour le coup, au sens propre, les choses seraient écrites d’avance. On aurait la formule. Donc ça nous pousse à l’invention ou tout aussi bien au symptôme, on a le choix. Car si nous nous défendons de cet Impossible, cette défense va produire des symptômes. Ce qui nous permet de dire : les symptômes viennent du Réel. C’est pour cela que la psychanalyse met au centre de sa pratique le Réel, l’Impossible.

Alors, « Le rêve de l’enfant qui brûle ». Il se trouve au début du septième chapitre, peut-être que certains d’entre vous l’ont lu, il est au début du septième chapitre de la Science des rêves, la Traumdeutung, donc c’est le dernier chapitre, qui s’appelle « Psychologie des processus du rêve ». Donc je disais, qu’en ce qui concerne le rêve, Freud a une théorie : le rêve est un accomplissement de désir. Un désir qui est inconscient et refoulé. Freud a placé ce rêve au début du chapitre, car il considère que c’est un rêve modèle, modèle du point de vue de sa thèse. Je vais vous le lire ce rêve, c’est Freud qui en donne le compte-rendu. Il l’attribue à une femme qui a entendu un conférencier rapporter ce rêve, et il dit que bon il est d’accord avec l’interprétation qu’en a donné le conférencier, bien sûr il manque certaines choses mais nous, je crois que nous pouvons considérer que – il y a beaucoup de rêve de Freud dans la science des rêves qui sont ses propres rêves -, quelquefois il le dit, quelquefois il ne le dit pas, là je pense qu’on peut considérer que c’est un rêve de Freud. Les données de ce rêve modèle sont les suivantes : « Un père a veillé jour et nuit pendant longtemps auprès du lit de son enfant malade. Après la mort de l’enfant, il va se reposer dans une chambre à côté mais laisse la porte ouverte afin de pouvoir, de sa chambre, regarder celle où le cadavre de son enfant gît dans le cercueil, dans le cercueil entouré de grands cierges. Un vieillard a été chargé de la veillée mortuaire. Il est assis auprès du cadavre et marmonne des prières

Au bout de quelques heures de sommeil, le père rêve que l’enfant est près de son lit, lui prend le bras  et murmure d’un ton plein de reproche « ne vois-tu donc pas que je brûle ? » Il s’éveille donc.  Le père aperçoit une vive lumière provenant de la chambre mortuaire, s’y précipite, trouve le vieillard assoupi, le linceul et un bras du petit cadavre ont été brûlés par un cierge qui leur est tombé dessus ».

Je vous le relis, parce que je vais un peu le détailler. Donc c’est un père qui a veillé jour et nuit pendant longtemps auprès du lit de son enfant malade. Après la mort de l’enfant il va se reposer dans une chambre à côté. Il laisse la porte ouverte, afin de pouvoir de sa chambre, regarder celle où l’enfant gît dans son cercueil, cercueil entouré de grands cierges. Un vieillard a été chargé de la veillée mortuaire, il est assis près du cadavre et marmonne des prières.  Donc au bout de quelques heures de sommeil  le père fait un rêve : l’enfant est  près de son lit, lui prend le bras et murmure d’un ton plein de reproche « ne vois-tu donc pas que je brûle ? » Il s’éveille, aperçoit une vive lumière  provenant de la chambre mortuaire, s’y précipite, trouve le vieillard assoupi, le linceul et un bras du petit cadavre ont été brûlés par un cierge qui est tombé dessus .

Freud interprète ce rêve poignant comme réalisant — donc le rêve modèle à l’égard de sa thèse — le désir de représenter l’enfant comme étant encore vivant. Et puis, secondairement, réalisation d’un deuxième désir, plus  secondaire, le désir du père de dormir, le désir de prolonger son sommeil. Donc, logiquement le désir de prolonger son sommeil  puisque dans le rêve son fils est encore vivant, être l’un avec l’autre. Donc  pendant son sommeil un chandelier s’est renversé. Cela c’est toujours, c’est l’interprétation de Freud,  je continue.  Pendant son sommeil,  le sommeil du père,  un chandelier s’est renversé et a commencé à brûler le corps du cadavre. La lumière a frappé les yeux de cet homme  et il en a tiré la conclusion angoissée que le cierge renversé a pu brûler le cadavre. Mais cette pensée pendant son sommeil,  Freud note, ne l’a pas réveillé. Il l’a transformée en rêve, en rêve qui trahit le désir de prolonger un peu la vie de l’enfant.

Le père n’est pas réveillé par la réalité, il rêve, il a vu, il a vu la lumière, donc il a lui-même pensé que le cierge avait été renversé, que ça avait mis le feu. Pour autant cette réalité ne le réveille pas, il rêve. De la même façon qu’à l’inverse nous pouvons tout-à-fait dormir éveillé. C’est habituel. C’est-à-dire que là il ne sort pas du sommeil, il rêve, mais on peut tout-à-fait sortir du sommeil pour continuer de dormir. Héraclite, donc vous voyez, présocratique, il y a quand même très longtemps, Héraclite disait- on n’a que des fragments -, et il y a un fragment d’Héraclite : « Eveillés, ils dorment », bien avant les psychanalystes.

Alors, qu’est-ce qui peut nous réveiller ? Dans son rêve ce qui réveille le père ce n’est pas la réalité, ce n’est pas la réalité de ce qui se passe dans la chambre mortuaire. C’est une autre réalité, celle que Freud nous décrit ainsi : « L’enfant est près de son lit, le prend par le bras et lui murmure sur un ton de reproche « Père ne vois-tu pas que je brûle » ». C’est à ce moment- là  qu’il va se réveiller, c’est la réalité de ce rêve qui le réveille, ce n’est pas la réalité qui se passe dans la chambre. N’y-a-t-il pas plus de réalité dans ce message,  donc le message du fils, que dans la réalité du cierge renversé ? Cette réalité qui se déroule dans la chambre mortuaire. Quand le réveil se produira, il y aura un éveil de la conscience et l’on pourra parer à tout ce qui s’est passé dans la chambre, c’est-à-dire faire en sorte que cela marche, faire en sorte que ça fonctionne, faire en sorte qu’il y ait un retour à la réalité. La réalité c’est ce qui marche. Mais où est la réalité dans le rêve, sinon qu’il se répète quelque chose de plus fatale au moyen de cette réalité matérielle ? La réalité matérielle est utilisée pour dire une autre réalité.

Nous allons peut-être un peu nous séparer de Freud. Dans le rêve, ce n’est pas que l’enfant vive encore, la réalité,  la réalité c’est qu’il prenne son père par le bras. Ce qui réveille le père dans le rêve c’est la voix du fils qui surgit dans ce silence endormi ; et qui dit : « Père ne vois-tu pas que je brûle ? » Ce qui réveille le père c’est la rencontre du Réel  sous la forme de la rencontre du fils. Ce qui nous réveille, quand nous sommes pourtant déjà éveillés, c’est la rencontre du Réel. La lumière du cierge renversé aveugle le père, mais ne le réveille pas. Il ne voit pas : « Père ne vois-tu pas ? ». Le père ne voit pas que le fils brûle, qu’il brûle peut-être comme il a brûlé de fièvre et qu’il va mourir. Reproche que lui fait le fils et qu’il se fait à lui-même. Ce qui réveille le père c’est la rencontre, une rencontre qui ne peut se produire qu’en rêve, car qui peut dire ce qu’est la mort d’un enfant ? Ce qu’il ne voit pas, aveuglé par la lumière, c’est que la rencontre du père et d’un fils est une rencontre toujours manquée. Il y a un impossible. Elle n’est possible que dans le rêve. Il y a un impossible dans la relation du fils au père. Ce qui est notable dans ce rêve c’est la rencontre du Réel, et pas de la réalité, aussi dramatique soit-elle.

La rencontre de l’impossible que le savant ne voudrait que provisoire, et que le psychanalyste bien sûr cherche à contrer puisqu’il s’occupe des symptômes. Le rêve est une formation de l’inconscient qui cherche les moyens de le circonscrire cet impossible pour tenter de le résoudre. Ici dans ce rêve, le rêve essaye de résoudre l’impossible de la rencontre entre un père et un fils. Car qui peut dire ce qu’est la mort ? Ça c’est Lacan qui l’analyse de cette façon, car qui peut dire ce qu’est la mort d’un enfant, si ce n’est le père en tant que père, c’est-à-dire le père non pas comme personne mais dans sa fonction ?  Et cette rencontre n’est possible que dans le rêve. A sa façon, la Trinité chrétienne nous donne une idée de cet impossible. Entre le Père et le Fils il y a le Saint-Esprit. N’entend-on pas en écho de cette voix du fils qui reproche au père de ne pas voir, de ne pas voir qu’il brûle, n’entendons-nous pas en écho celle de celui qui sur la Croix lui reproche de l’abandonner ?

Ce rêve nous permet donc d’aborder ce point  assez  difficile, ce problème de la filiation, de la filiation aussi bien, bien-sûr, pour la fille que pour le garçon. Parce que, qu’est-ce qu’une filiation ? C’est une question importante, parce que la réponse que nous allons apporter à cette question déterminera pour beaucoup la façon dont nous conduirons notre vie, et aussi la façon dont se soldera le transfert dans la fin de cure, dans la fin de cure analytique.

Est-ce qu’il s’agit de reproduire le même, c’est-à-dire de  parler la même langue que lui, parler la même langue que le père, parler la même langue que les ancêtres ? Parler comme le père, cela procure une certaine tranquillité hein, la fidélité c’est une façon d’éviter les tracas. C’est la position que va adopter l’obsessionnel. Il n’en pense pas moins, mais il évite les tracas, il ne se manifeste pas. Pour lui, c’est du même au même, la fidélité. C’est-à-dire qu’il va s’effacer comme sujet et parler la même langue que le père. « Père », mais vous entendez tout aussi bien la même langue que le maître. L’opposition, la contestation de la parole du père qu’illustre, bien sûr, tout à fait la position de l’hystérique, c’est une position opposée. Pourtant ces deux façons, quoique opposées, ont un trait commun. Elles ont comme trait commun celui de penser qu’il y aurait un père, ou quelqu’un dans le grand Autre, qui saurait comment nous devons conduire nos vies, que nous le suivions fidèlement ou que nous le contestions ou que nous nous y opposions.  Vous voyez, les deux positions postulent qu'il y en a Un qui saurait comment conduire nos vies, c’est-à-dire, qu’il y en a Un qui pourrait dire le vrai sur le vrai.

Ceci a beaucoup de conséquences dans la conduite de nos vies, dans la conduite de la vie de chacun, mais cela a aussi de grandes conséquences sociales, politiques ou religieuses. Cette pensée qu’il y en a Un dans l’Autre, Un dans le grand Autre, qui peut dire le vrai sur le vrai, Un qui pourrait dire le vrai sens - au début j’ai mis le sens du côté de l’Imaginaire -, Un qui pourrait dire le vrai sens, c’est cela qui induit les passions, qu’elles soient religieuses, identitaires, linguistiques ; chacune à leur façon elles postulent qu’il y en a Un qui peut dire le vrai sur le vrai. On l’entend bien sûr tout de suite dans la religion, dans les passions religieuses, mais de la même façon dans les passions identitaires ou linguistiques. Je prends le terme de passion parce que bien-sûr c’est une passion du Un,  passion du grand Un.

Ce que le père doit transmettre — je vais terminer sur ce point — c’est qu’il y a un Réel, un Réel sexuel, un Réel sexuel qui fait qu’il y a une impossibilité d’écrire le rapport entre un homme et une femme. Et cet impossible ne peut pas se résoudre. Voilà.

: (inaudible)

Mr. Cacciali : Alors ce que le père doit transmettre, c’est qu’il y a un Réel, et que ce Réel, pas seulement qu’il y a un père, que ce Réel est sexuel, c’est-à-dire qu’il y a une impossibilité de rapport entre un homme et une femme, impossibilité de rapport, je précise, à écrire, qu’il n’y a pas la formule, et que cet impossible ne peut pas se résoudre.

Voilà, est-ce-que il y a une remarque, une question qui vous vient tout de suite ?

 

X : (inaudible)

 

Mr Cacciali : Très bien. Alors, je vais vous répondre. Mais le Réel dont je vous parle c’est une question très compliquée, et je n’ai fait, bien sûr, que l’aborder. L’Impossible, donc  le Réel,  je reprends  le terme de Réel, c’est l’un ou l’autre. Le Réel c’est la nomination que Lacan fait de l’Impossible. C’est le même terme, si vous voulez.

Ce que le père a à transmettre, ce n’est pas une façon de conduire nos vies à laquelle vous pourriez adhérer ou vous pourriez vous opposer, c’est-à-dire, nous  dire le vrai du vrai, la façon dont nous devons conduire nos vies, la façon dont nous devons conduire nos  pensées,  nos actes. Ce qu’il doit transmettre c’est ce que je vous propose, peut-être que vous n’êtes pas obligés d’être d’accord, des fois que vous auriez eu un peu des lumières. Ce qu’il doit transmettre c’est qu’il y a un impossible, mais pas seulement un impossible, sinon on est dans la même position que la science. Il  y a un impossible au niveau des êtres vivants. Et l’Impossible que l’on rencontre au niveau des êtres vivants,  c’est bien sûr - la psychanalyse ce dont elle s’occupe fondamentalement, c’est quand même du rapport entre un homme et une femme. Et ce qu’il y a à transmettre, c’est qu’il y a un impossible entre un homme et une femme, donc un impossible qui est de nature sexuelle. Alors je dis impossible du rapport, mais bien sûr à entendre au sens mathématique, c’est-à-dire qu’il y a une impossibilité à connaître la formule de comment cela marcherait entre un homme et une femme. Prenez la sexualité au sens large, la sexualité c’est le rapport entre un homme et une femme - on ne va pas prendre le détail de la vie sexuelle. Donc il y a une impossibilité d’écrire la formule qui nous dirait comment ça marche,  comme le fait la science !

Quand une équation mathématique est écrite, de façon définitive on a la formule. Vous pourrez chaque fois reprendre la formule et vous aurez toujours le même résultat. Voilà. La formule pour calculer une surface, vous pourrez calculer avec cette formule toutes les surfaces. Cela c’est le Réel  auquel la science a à faire, elle y répond avec des écritures mathématiques. Nous, on n’a pas la formule qui nous dirait comment dans chaque cas il faut faire entre un homme et une femme. Donc, il y a un impossible. Alors est-ce-que cet impossible est provisoire ? (…) Pourquoi pas un jour on en aurait la formule ? Il y a beaucoup de choses que la science… que l’on a considérées, je le dis sérieusement, qu’on a considérées très longtemps comme impossibles et puis tout d’un coup la science le découvrait.  Une fois que c’est découvert, on ne s’en souvient plus. Mais il y a beaucoup de domaines de la science…

Alors, disons que pour l’instant il y a un impossible à écrire la formule qui nous dirait comment ça marche entre un homme et une femme.

Est-ce-que c’est mieux comme cela ?

 

: (…) de l’autorité parentale par exemple (…) il va chercher le dernier mot, y’en a pas (…) cette idée du rapport à l’égalité alors que (…) tend vers l’égalité.

Mr Cacciali : Oui, vous avez raison, mais ces parents quand même…, ça ne recouvre pas  toute la question. L’égalité pousse à penser qu’il pourrait y avoir un rapport, qu’il pourrait y avoir une formule qui ferait que ça aille mieux. Mais ça pousse simplement. Pour autant, ce n’est pas tout-à-fait quand même la même question. C’est-à-dire que ce que vous dites c’est que… Il y a une dissymétrie entre un homme et une femme, alors on pourrait dire plus justement, ils ne sont pas dans le même lieu, il y a une hétérotopie. Mais là c’est quand même un autre point…… Ce que vous dites est juste, ça pousse bien sûr aujourd’hui à penser  que…, cette égalité pousse à penser qu’il y aurait un rapport possible, puisque finalement les places seraient toutes identiques, donc il y aurait, on va dire, moyen de s’entendre. Mais ce n’est pas tout-à-fait la même question que celle du Réel. Celle du Réel, c’est qu’il y a un Impossible et il y a un Impossible structural, quoi que l’on fasse, même si on n’est pas égaux, même si on est égaux – là je reprends ce que vous disiez, je le renverse. C’est-à-dire que c’est un point de structure, quoi qu’on y fasse. Donc, ou on s’en défend, et ça produit des symptômes, ou on le prend en compte, ce que j’avançais comme une invention nécessaire.

 

X : (inaudible)

Mr Cacciali : C’est un peu radical, mais c’est pas mal ce que vous dites, oui effectivement bien sûr. On pourrait dire, vous voyez d’ailleurs, je vais le prendre de façon un peu plus large pour répondre à votre question. Mais on le voit dans la science, y compris la question de la folie. On voit comment à un moment les scientifiques…, il n’est pas rare qu’un scientifique en revienne à Dieu, précisément sur ce bord-là. C’est-à-dire que…, ce n’est  pas rare, et d’ailleurs qu’il puisse faire les deux. Descartes, Descartes était quand même aussi mathématicien, il n’était pas seulement philosophe….., à la fin donc, quand même,  Discours de la Méthode, la rationalité même mais pour ce qui est des vérités éternelles, il s’en remet à Dieu. Avec beaucoup d’humour, je ne sais pas si ça va dans votre sens, mais c’est toute la question du hasard et du déterminisme au delà… Il y a un congrès scientifique qui avait lieu en Belgique, chaque année, (…) à Bruxelles dans un grand hôtel… En 1927, Einstein a produit ses équations, il y a Niels Bohr, grand physicien danois, c’est en 1927… Hasard ou Déterminisme poussés à l’extrême, ils ont l’intelligence et la finesse, donc ils  sont 25 présents, une trentaine de présents, 18 auront un Prix Nobel, l’assistance : que des scientifiques de très haut niveau. Einstein et Bohr ne sont pas du même avis. Pour Bohr,  il y a en mathématiques quelque chose qui s’appelle le principe d’incertitude. On ne peut pas maintenant, ça a un peu changé, mais on ne peut pas calculer en même temps la position d’une particule et sa vitesse. Donc il y a un principe d’incertitude d’Heisenberg. Bohr en est le tenant. Donc, c’est-à-dire, il y a du hasard, on pourrait dire — je vais venir à votre question du Réel et de la folie —  pour Einstein tout est déterminé, il n’y a pas de hasard, je caricature hein, bien évidemment, pour vous le faire entendre.

Alors pour ne pas le  dire, donc tout le monde sait qu’ils ont des positions différentes, des positions scientifiques  différentes. Einstein dit : « Dieu ne joue pas aux dés », voyez comme intervention pas très scientifique, pas une grande écriture mathématique. C’est-à-dire, le coup de dés, Mallarmé…, le coup de dés c’est le hasard, c’est le prototype du hasard le coup de dés. « Dieu ne joue pas aux dés ». Bohr hésite, ne répond pas, réfléchit un peu, et puis  avec  humour lui dit, répond (dans l’assistance il n’y a que de très grands scientifiques ! ) : « Mon cher Albert, pourquoi vous permettez-vous de dire à Dieu ce qu’il doit faire ? » Vous voyez, c’est-à-dire qu’il y a un moment même eux ils (…), donc effectivement sur l’impossible, on voit bien, sur le Réel. Eh bien la façon de se faire entendre, quand même, sans trop se froisser, vous voyez c’est drôle, même eux s’en remettent d’une certaine façon à Dieu. Bien évidemment, que l’on entend qu’ils sont scientifiques mais ça n’empêche pas…, parce que comme vous le dites, y a un moment où c’est vertigineux. Il n’y a pas de hasard, c’est une position qui est assez vertigineuse. Tout est déterminé, c’est tout aussi vertigineux, aucun hasard. Donc effectivement, ils ne deviennent pas fous, vous avez raison, mais c’est pour vous faire entendre que, bien sûr, cette petite question est vertigineuse. C’est pour cela que je vous disais que l’impossible, si on croit à Dieu, je ne sais pas. On a tellement l’habitude de ce terme, mais pendant des siècles l’Impossible n’était pas accepté ! Du seul fait de Dieu, tout était possible,  je veux dire dans l’histoire des idées.

Revenons au niveau des êtres vivants et de la folie, c’est évident, que dire quand je dis « Je pousse » ? Personne dans l’Autre pour dire le vrai sur le père, personne dans l’Autre qui dirait le sens dernier. Ce n’est pas très facile, après ça manque d’appui ? Alors effectivement on peut faire des symptômes, et y compris bien sûr, vous avez raison, on peut le refuser, donc la folie peut être une façon de le refuser.

 

X : (…) aujourd’hui avec internet on dirait qu’on est encore plus dans ce refus (…) devenir Dieu à la place de Dieu.

Mr Cacciali : C’est très très juste, alors sur la position démiurgique de l’être humain, peut-être, mais il est sûr, c’est toujours difficile à dire, mais en tout cas il est sûr que… Ne soyons peut-être pas aussi radical, mais en tout cas si ce n’est, nepas accepter l’Impossible, en tout cas c’est sûr qu’il y a une difficulté à le situer correctement. C’est pour cela que j’ai voulu le situer au niveau, nous, qui nous intéresse, c’est-à-dire dans le rapport entre un homme et une femme. Pour en venir plus précisément à votre question, il est sûr que par exemple la reproduction sur cette position de toute puissance, en tout cas si ce n’est  démiurgique cette toute puissance, il est sûr que là, dans le rapport à une femme, maintenant que la reproduction est sortie de la question sexuelle, bien sûr cela ne peut qu’aller dans le sens que vous dites, de penser que tout est possible.

 

X : (inaudible)

 

Mr Cacciali : Oui, tout à fait, bien que ce ne soit pas, le manque et l’impossible, la même chose. Moi je mettrais, par rapport à votre remarque, l’Impossible du côté de l’interdit, c’est-à-dire, pour reprendre nos termes, du côté de la castration, bien sûr. Mais le manque, pour nous le manque il est symbolique, c’est-à-dire que c’est un manque, mais sur fond de présence. C’est quelque chose qui manque. L’Impossible, c’est Impossible, je veux dire ce n’est pas quelque chose qui manque. Donc, c’est pour cela que je le mettrai du côté, donc, de l’interdit. Je vais le dire autrement. L’impossible c’est la négation la plus radicale, c’est même la seule négation, on pourrait dire que c’est la seule.

« Tu n’as pas raison », c’est une parole symbolique dans le langage. Elle n’est pas définitive. « Tu n’as pas raison », cela veut tout aussi bien dire que moi je crois que tu n’as pas raison. Cela n’empêche pas l’autre de penser que bien sûr que si, il a quand même  raison. Alors que le Réel il vient dire l’Impossible,  c’est-à-dire, là c’est la négation radicale.

 

: (inaudible)

Mr Cacciali : On va dire que le Réel conditionne la parole, mais sans qu’on le sache. J’ai voulu le prendre cliniquement, mais vous voyez que dans ce rêve où on entend bien que pour le père, puisque c’est le père qui fait le rêve, et qui rêve que son fils lui dit « mais ne vois-tu-pas » et il lui dit sur un ton de reproche, c’est-à-dire que quand même le père pense qu’il aurait pu voir. C’est-à-dire que l’on entend bien quand je dis que le rêve, il circonscrit le Réel, il le situe là bien au bon endroit, puisque on entend bien, le poignant du rêve, il y a quand même quelque chose d’impossible. Et en même temps, il le circonscrit, mais je dis : pour le résoudre. C’est-à-dire que, il avait même peut-être pensé, le père, que le vieillard allait s’endormir. Est-ce qu’il fallait lui faire confiance ? Il laisse sa porte ouverte, il veut voir quand même  dans la pièce d’à côté ce qui se passe. C’est-à-dire que ce Réel  qui  est circonscrit dans le rêve, il peut penser que s’il avait fait autrement, il l’aurait résolu. Du coup cela ne situe pas  le Réel, c’est-à-dire que là ce qui n’est pas situé, c’est que au-delà du drame, de toute façon,  il y a quelque chose qui ne marche pas entre le père et le fils. Et ça, toujours.

 

X : (inaudible)

Mr Cacciali : (…) C’est ce qui produit le rêve, et comme dit Freud, avec ce désir inconscient de voir l’enfant comme vivant, mais vous avez raison, c’est-à-dire que là déjà,  le père, c’est pour cela que je dis : reproche qu’il se fait à lui-même. Parce que il peut tout-à-fait  penser, comme vous le dites qu’effectivement, là déjà il ne l’a pas vu.

 

X : (inaudible)

 

Mr Cacciali : On va dire rencontre du Réel, parce que j’ai dit la rencontre du Réel  comme une rencontre essentiellement manquée, mais qui pour le parlêtre  va être la rencontre d’un  Réel, du sien, mais pour autant celui que j’ai essayé de dégager, il est structural. Celui-là il est pour tous, il est pour tous à partir du moment où on est parlêtre, à partir du moment où l’on parle. Il n’y a pas de rapport sexuel entre un homme et une femme, mais bien évidemment que ça va, ce Réel de structure le sujet va le rencontrer avec son Réel à lui, bien sûr.

 

X : (inaudible)

 

Mr Cacciali : Je pense qu’il n’y a pas de plus belle preuve de fidélité. C’est vraiment un bon fils celui qui a le même symptôme que le père ! Permettez-moi, j’aimerais  bien être entendu, le père ne transmet pas un impossible seulement mais un impossible sexuel. La science transmet un impossible, la science elle nous en transmet plein d’impossible, elle nous transmet des trucs impossibles, on va dire. Mais le père il transmet un Réel sexuel, c’est-à-dire, que c’est au niveau des êtres parlants, au niveau des êtres vivants, ce n’est pas le réel en général,  celui-là on ne s’en occupe pas. Je disais c’est un bon fils celui qui a le même symptôme que le père, mais en plus c’est à peu près radical quand le père ne veut pas que le fils fasse les mêmes erreurs que lui, c’est habituel, cela a de grandes chances de se produire. Parce que vous entendez c’est que le père d’une certaine façon, il saurait, s’il transmet cela, quand il ne veut pas que son fils fasse les mêmes conneries que lui, c’est que il sous-entend qu’il sait comment il faudrait faire, ce que serait la bonne façon.  Parce qu’après tout, si le père trouve  que,  même si le père pour lui trouve que ça ne va pas, mais que le fils trouve que ça va quand même ce qu’a fait son père, pourquoi pas ? C’est-à-dire que non, c’est précisément ce Réel qui est à transmettre. Ce qui produit les symptômes, c’est si le fils ne veut pas entendre, ne peut pas, mais pour des tas de raisons, ne veut pas entendre, ou accepter qu’il y a un impossible dans la relation au père, cela produira des symptômes. C’est-à-dire que le fils s’il se défend de cet Impossible, cela produira des symptômes.

Excusez-moi, je vais forcer le trait. « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? », c’est-à-dire que d’une certaine façon bien sûr que le père abandonne toujours le fils. Ou dans l’autre sens, le fils est toujours abandonné par son père, structuralement, parce qu’il y a un Réel, c’est-à-dire quelque chose qui ne marche pas.

 

X : (inaudible)

 

Mr Cacciali : Mais c’est un point intéressant, parce que vous voyez la difficulté qui tout de suite arrive. C’est que, vous avez raison sans doute, vous connaissez le cas. Vous dites « il a bien compris », sans doute, et en même temps cette compréhension l’empêche de voir que de toute façon quand ce sera son tour on verra ce qu’il a compris, quand ce sera son tour d’avoir une relation avec une femme. La compréhension n’empêche pas qu’il y a quand même un Impossible à inscrire, parce que sinon quand ça va être son tour, je peux vous garantir que s’il fait l’inverse c’est la même chose.

 

X : (…) la formule (…) c’est-à-dire qu’entre un homme et une femme (…)

Mr Cacciali : Exactement, c’est même mieux de le dire comme ça. Ce n’est pas toujours nécessaire de comprendre. Très bien. On en reste là.