Le développement impressionnant des connaissances qui caractérise notre époque n'a en rien fait reculer ce que Lacan appelle dans l'introduction de son séminaire Encore le « je n'en veux rien savoir ». Ce « je n'en veux rien savoir », point aveugle qui est le lot de chacun, nous pose la question de ce qui fait obstacle à l'accès au savoir, obstacle qui connaît des variantes culturelles et individuelles nombreuses. Prenons ce qui se passe du côté du « psy ». Le psy étant un radical qui vient de psyché, l'âme dont il est beaucoup question dans ce séminaire Encore, il s'y rattache des suffixes - iâtre, ologue, thérapeute, analyste - et des pratiques fort hétérogènes. Ainsi une personne qui s'adresse à un psychiatre pourra être d'accord avec celui-ci pour dire que telle ou telle manifestation est le résultat d'une maladie du corps et qu'il y a telle ou telle action à mener pour y remédier. C'est là une démarche qui dans son rapport au savoir est bien différente de celle qui consiste à aller s'adresser à quelqu'un qui non seulement vous invite à l'association libre, mais s'abstient aussi le plus souvent de clore l'entretien par une nomination, un « c'est ça ». Dans ces deux situations, certes schématiques, le « je n'en veux rien savoir » n'est pas placé tout à fait au même endroit, du fait que d'un côté il y a une fermeture qui peut avoir des effets durables, voire définitifs, et que de l'autre il y a une ouverture dont nous nous efforcerons de préciser la nature.  

Le développement impressionnant des connaissances qui caractérise notre époque n'a en rien fait reculer ce que Lacan appelle dans l'introduction de son séminaire Encore le « je n'en veux rien savoir ». Ce « je n'en veux rien savoir », point aveugle qui est le lot de chacun, nous pose la question de ce qui fait obstacle à l'accès au savoir, obstacle qui connaît des variantes culturelles et individuelles nombreuses. Prenons ce qui se passe du côté du « psy ». Le psy étant un radical qui vient de psyché, l'âme dont il est beaucoup question dans ce séminaire Encore, il s'y rattache des suffixes - iâtre, ologue, thérapeute, analyste - et des pratiques fort hétérogènes. Ainsi une personne qui s'adresse à un psychiatre pourra être d'accord avec celui-ci pour dire que telle ou telle manifestation est le résultat d'une maladie du corps et qu'il y a telle ou telle action à mener pour y remédier. C'est là une démarche qui dans son rapport au savoir est bien différente de celle qui consiste à aller s'adresser à quelqu'un qui non seulement vous invite à l'association libre, mais s'abstient aussi le plus souvent de clore l'entretien par une nomination, un « c'est ça ». Dans ces deux situations, certes schématiques, le « je n'en veux rien savoir » n'est pas placé tout à fait au même endroit, du fait que d'un côté il y a une fermeture qui peut avoir des effets durables, voire définitifs, et que de l'autre il y a une ouverture dont nous nous efforcerons de préciser la nature.


De quelle fermeture, de quelle ouverture s'agit-il ?

Une fermeture ontologique sur le corps

Commençons par la fermeture. Elle consiste, cette fermeture, à affirmer que l'être pense, et que la substance de cet être est le corps. Nous avons eu en juin des journées de travail sur les thérapies cognitivo-comportementales durant lesquelles une inquiétude certaine s'est exprimée relativement à cette fermeture sur l'être, et sur l'amplification de ses effets sur notre vie sociale, par des phénomènes d'uniformisation et de ségrégation.

Lacan n'a pas ménagé sa peine pour dégager la disjonction radicale qu'il y a entre la pensée et l'être, particulièrement avec son considérable travail sur le cogito cartésien. Il revient sur cette disjonction de la pensée et de l'être dans le séminaire Encore où il affirme que c'est la faute de la science traditionnelle, classique, aristotélicienne, que d'impliquer que l'être pense, et que la pensée soit telle que le penser soit à son image. Critique qu'il applique à ces prémisses des thérapies cognitivo-comportementales que constitue le behaviourisme, pour lequel la conduite s'éclaire par sa fin ; ce qui suppose une équivalence du penser et de la pensée, et que celui qui pense sache ce qu'il a à faire, ce qui est son bien. Le classicisme des neurosciences et des thérapies cognitivo-comportementales est ainsi de faire tenir ensemble l'être, le bien et le savoir.

C'est ce que nous retrouvons aux fondements de nos politiques de santé qui sont basées sur cette définition de la santé par l'O.M.S. en 1948 comme un complet bien-être physique, psychique et social. Avec cette définition un être nouveau apparaît, l'être bio-psycho-social dont l'unité de base est un corps biologique qu'il s'agit de faire durer le plus longtemps possible. Ce souci, nous le retrouvons dans les rêves qui accompagnent les pratiques de clonage et de cryogénisation, dans lesquelles sont visés tant la reproduction asexuée que l'éternisation du corps, qui serait le Un de l'être. Les effets de la radicalisation de cette approche ontologique du corps, nous les avons présents, déjà, dans ce qui s'appelle maintenant politique de santé mentale. Cette politique qui met en place un monde où chacun a sa place, les soignants et les soignés, les éducateurs et les handicapés, est contemporaine d'une ségrégation qui va croissante, comme en témoigne l'augmentation des files actives des services de psychiatrie publique. Cette augmentation d'une chronicité qui n'est plus asilaire est à corréler avec le destin de ceux qui, sur la foi d'un diagnostic médical, voient leur destin dévié vers une existence qui est de survie, supportée par une assistance dont le seul souci est la subsistance des corps. Hier Charles Melman parlait de la gravité du meurtre psychique, aussi grande que celle du meurtre somatique ; lorsque le soin a pour résultat de produire des destins sans retour d'ennui et de solitude n'est-il pas possible de parler d'euthanasie psychique ? C'est hélas ce qui se met en place pour nombre de personnes, dès lors qu'une nomination ontologisante d'une maladie est venue refermer sur le corps une problématique dont les ressorts sont à chercher ailleurs.

Cet ailleurs, c'est en tout premier lieu dans notre rapport au langage et à la jouissance qui s'éprouve d'être pris dedans qu'il est à chercher. Or, que se passe-t-il lorsqu'un diagnostic est fait sur le corps ? L'effet premier, et très largement répandu, est celui d'une invalidation de la parole de celui qui se trouve pris sous cette nomination. Celui qui est nommé schizophrène, comme celui qui est nommé bipolaire, voient bien souvent ses propos, surtout s'ils sont dérangeants, être mis sur le compte de la maladie et perdre tout leurs effets. La parole, prise dans ces modalités de discours, se retrouve sans adresse, ce qui laisse son locuteur en proie à une jouissance qui peut d'autant moins se dire. Ce qui a pour effet bien souvent de majorer le versant somatique de la symptomatologie par des manifestations anxieuses ou hypocondriaques entre autres.

C'est là l'effet d'une clinique qui en se refermant sur le corps rompt toute possibilité de dialectisation, de production d'un savoir sur la pathologie, tant avec celui qui en souffre qu'entre ceux qui prétendent s'en occuper. Cette fermeture sur l'être du corps est concomitante d'un rejet du savoir, comme en témoigne cette affirmation que les classifications actuelles sont athéoriques. À cet athéorisme s'ajoute un curieux phénomène qui est qu'à la fois les diagnostics qui comptent se réduisent à quelques unités : schizophrénie, troubles bipolaires, addictions et quelques autres troubles dont l'existence, l'être sont indiscutables, pendant que nous assistons à une prolifération de leurs formes dont le nombre de leurs descriptions tend vers l'infini. Ainsi il nous est promis deux nouvelles versions des principales classifications en vigueur, le D.S.M. V et la C.I.M. 11 beaucoup plus volumineuses que les précédentes.

Ce refus de la théorie, outre ses effets d'affolement du côté du savoir, a aussi des effets destructeurs dont je parlerai par un détour qui peut surprendre, qui est celui du nihilisme. Notre collègue Hélène L'Heuillet a écrit un ouvrage important sur les sources du terrorisme qu'elle situe du côté du nihilisme, défini comme un refus théorisé de la théorie. Nous retrouvons dans ces théories du refus de la théorie la même volonté de faire table rase des savoirs constitués, et le même recours aux sentiments et à la souffrance dont la naturalité vaut comme argument et légitimité. C'est cette même destructivité que nous retrouvons à l'œuvre tant du côté soignant que du côté soigné. La psychiatrie est en voie de destruction, non pas encore au niveau de l'institution mais de ce qui la tient qui est le débat clinique qui a cessé d'exister ou presque. Et du côté des soignés, nous pouvons remarquer que ce que nous appelons nouvelle clinique tourne souvent autour de pathologies qui mettent en jeu le corps et son destin, la mort, comme dans l'anorexie et la toxicomanie.

Savoir y faire avec lalangue

Dans ce contexte de fermeture sur l'être du corps, est-ce que la psychanalyse peut constituer une ouverture, et laquelle ? La pratique de la psychanalyse ne se fonde-t-elle pas sur une ouverture, dès lors que la règle de l'association libre, de dire tout ce qui vient, est respectée ? Cette règle certains peuvent l'accepter, alors que pour d'autres elle n'est pas acceptable, comme n'est pas acceptable que le savoir soit ouvert. Ceux-là viennent plutôt chercher une confirmation de leur dit, de leur savoir constitué dont l'être est en train de ficher le camp, alors que celui qui accepte le silence et les scansions de l'analyste accepte par là même que son savoir s'ouvre, qu'il ne se boucle pas immédiatement. En recevant l'adresse de la demande, mais en refusant que l'historisation proposée par celui qui souffre soit le « tout savoir » sur ce qui ne va pas, l'analyste procède à une ouverture. Cette ouverture dans le dit de l'analysant est l'occasion pour celui-ci de produire un dire, s'il le veut bien, de produire des signifiants qui vont pouvoir border la faille de ce qui échappe au savoir.

Remarquons au passage que pour celui qui accepte cette ouverture-là, alors qu'il est venu en situation de crise, c'est-à-dire en souffrant dans son corps, en étant affecté, ce qui se traduit par des troubles physiologiques, tensions, angoisse, insomnies, cette acceptation de cette ouverture, de passer par les défilés de la parole a bien souvent un effet de soulagement sur ces troubles physiologiques, sur cette jouissance du corps.

La psychanalyse se met en place autour de cette ouverture, de cette faille dans le dit, dans le savoir, faille dont Lacan déploie l'étymologie très riche à partir de l'équivoque sur le conditionnel des verbes faillir et falloir lorsqu'il parle de « la jouissance qui ne faudrait pas » [2]. Ces deux verbes nous viennent du verbe fallere, tomber en latin puis tromper, échapper à, faire défaut. Ce verbe renvoie ainsi à ce qui choit, ce qui est en faute, à ce qui défaille, sens qu'il va prendre en Français avec faillir, et ce n'est qu'au XVe siècle qu'il prend un sens nouveau, qui est celui d'un impératif, avec le verbe falloir. Au moment où un appel à la raison est fait pour réguler notre vie sociale, et où se mettent en place nos États modernes, le falloir très surmoïque chasse la faute et la faille comme on se met à la même époque à chasser les sorcières. Le courage « hommosexuel »[3], qui est d'affronter la faille, d'affronter l'intolérable du monde, connaît un regain de vigueur au moment où est lancé cet appel à un bien supérieur par le moyen de la rationalité. Cette rationalité homme et homo s'accompagne d'un recours accru aux écritures et au « ne cesse pas de s'écrire », comme si ça y était, on serait sur le point de produire l'écriture qui nous assure la stase, l'État et l'étant suprême. Mouvement de renforcement des écritures qui a suivi toutes les révolutions jusqu'à aujourd'hui, de sorte que la bureaucratie actuelle, économico-gestionnaire, pourrait faire pâlir de jalousie la bureaucratie soviétique tant moquée en son époque.

À ce régime draconien d'écritures, ceux qui vont souffrir, pâtir, et donc jouir, mais en silence, ce sont les corps parlants dont la portion devient de plus en plus congrue, et la contestation de plus en plus sourde. Au surmoi qui enjoint de prédiquer toujours plus répond un surmoi encore plus féroce qui enjoint de prédiquer encore moins, c'est le nihilisme et le négativisme, qu'il soit politique ou pathologique. Sa réponse au nécessaire, au « ne cesse pas de s'écrire » est un « ne cesse pas de ne pas s'écrire » qui peut aller jusqu'à la destructivité radicale, à la haine radicale qui consiste à mettre à bas l'ordre en place non pas pour en mettre un nouveau en place, mais pour qu'il n'y en ait plus du tout, d'ordre, et que enfin on puisse se fondre dans le réel.

Ainsi s'affrontent deux « ne cesse pas », deux visées d'éternité dont le combat est ancien et laisse peu de place au dialogue, au déploiement d'un savoir qui est d'abord un savoir y faire avec lalangue, qui nous vient avec l'exercice de la parole. Pour aller vite, disons qu'il y a deux façons de ne pas savoir y faire avec lalangue, une mâle et une féminine.

La façon masculine, nous la trouvons dans le film L'esquive d'Abdelatif Kechiche, dans lequel le héros tombe amoureux, parce que dans notre langue on tombe amoureux, et pour s'approcher de celle qui lui apparaît « toute », il va s'inscrire dans une troupe de théâtre. Le ratage mâle, le défaut de savoir y faire avec lalangue, vous les trouvez d'abord dans les grandes difficultés du héros à suivre les subtilités du texte de la pièce de théâtre, mais surtout dans les commentaires de la bande de copains qui ne comprend pas que :
- il soit amoureux d'une fille. Quand on est un homme on prend une femme et on la jette après usage,
- il fasse du théâtre. La seule explication qu'ils trouvent, c'est que ce doit être un pédé. Ils pointent certes avec beaucoup de sûreté la féminisation à laquelle il s'expose en aimant sa chérie, mais ils ignorent superbement l'hommosexualité dans laquelle ils sont pris, qui laisse si peu de place aux femmes et au « pas-tout ».

La façon féminine maintenant de ne pas savoir y faire avec lalangue, c'est celle des psychoses et de ces pathologies comme l'anorexie et les toxicomanies telles que Christine Gintz[4] nous en a parlé hier, celle du « tout pas ». Le savoir y faire avec lalangue, Lacan le décline de plusieurs manières dans ce séminaire, dont celle-ci qu'il n'est pas si difficile d'acquérir le savoir que d'en jouir. Quand je lis ce passage, je pense à chaque fois à ce qui se passe dans l'atelier théâtre que j'anime dans l'hôpital de jour où je travaille, où nous montons un extrait d'une comédie moderne où les personnages sont pris dans la fonction phallique, ce qui vaut toute une série d'affrontements, de malentendus et de ratages divers qui sont le ressort même du comique. Le texte de cette pièce, qui a connu un grand succès auprès du public, constitue une grande difficulté pour ces patients, non pas au niveau des connaissances, mais au niveau du savoir. Si bien que pour le jouer, celle qui est en plus grande difficulté s'est retrouvée à dire ses tirades d'un jet, d'une voix monocorde, c'est-à-dire sans qu'il n'y ait aucun ton, aucune scansion, le corps planté droit comme un piquet.

Fort d'une leçon de mise en scène donnée par Jean Renoir lors d'une interview télévisée, dans laquelle il invitait la journaliste à jouer une scène d'un de ses films - la journaliste a tout de suite voulu mettre le ton à ce qu'elle lisait, ce qui sonnait faux, à quoi Jean Renoir lui a dit de lire le plus platement possible, plusieurs fois le texte, puis de laisser venir les intonations, une gestuelle, ce que la journaliste fit avec une certaine réussite - fort donc de cette leçon de mise en scène, nous avons invité nos acteurs à suivre cette même règle, ce qui pris un temps fou. C'est là que j'ai pu mesurer combien la jouissance de ce texte n'est pas accessible à tout le monde. Mais il est encourageant dans ce travail de théâtre que les patients se soient accrochés au travail. Cela donne ce résultat que pour chacun, des scansions se mettent en place, ainsi que des découpes qui sont des découpes de l'objet a qui permettent de mettre en scène la pulsionnalité des personnages. Il y a les échanges de regard, les intonations de voix, l'oralité de tel personnage ou l'analité d'un autre qui sont donnés à entendre et à lire, et qui participent de notre jouissance du théâtre.

Revenons maintenant aux deux façons de ne pas savoir y faire avec lalangue, qui sont deux façons de rater le rapport sexuel tout autant. Elles sont toutes les deux liées au « ne cesse pas » et à « l'êtrenel » par conséquent. Elles s'attachent l'une et l'autre à l'être immuable :
- soit dans l'affirmation que ça y est, l'être a été prédiqué une bonne fois pour toutes. Dans un de ses livres, Ali Magoudi[5] dégage très bien comment le discours du Maître prend possession du temps, ce que l'on perçoit beaucoup moins que la maîtrise spatiale, les frontières, l'architecture, etc. Mais le maître tente d'incarner le temps, à l'instar du pharaon dont le temps de son peuple était décompté sur le temps de sa propre vie.
- Soit dans la négation de toute prédication. Comme le disait cette patiente anorexique : « On parle, à quoi ça sert puisqu'on doit mourir ».

Il s'entend que l'enjeu principal porte sur le prédicat, prédicat qui a pour propriété de se sectionner comme le développe François Récanati dans son premier exposé[6]. Exposé qu'il termine en disant que pour la logique de Port Royal, « l'être est imprédicable », mais le dire imprédicable, c'est déjà le prédiquer. Cet être qui n'est pas sans rapport avec Dieu ni avec la jouissance féminine, puisque Lacan avance cette chose inouïe que la jouissance féminine serait une face de Dieu, est-il possible de le prédiquer ? C'est là l'une des questions importantes soulevée par ce séminaire qui substitue au corps comme substance de la pensée la jouissance féminine, la jouissance qu'il ne faudrait pas.

S'il y a un possible à cette prédication de la jouissance, c'est du côté du « " x F x » qu'il est à chercher, puisque cette supposition qu'il y en a un qui a réussi à prédiquer l'être l'autorise à aller prédiquer le monde. C'est avec ce savoir-là que les hommes « âment », ils « âment » des objets, des semblables, ou une femme. Et c'est dans ce dernier cas qu'ils ont les meilleures chances de se rendre compte que ce possible « cesse, de s'écrire ». Autrement dit ça rate la prédication de la jouissance qu'il ne faudrait pas. Cette rencontre rate mais pas sans qu'il se produise une écriture de l'autre côté, là où ça suppose « ça ne cesse pas de ne pas s'écrire ». « La femme ne peut aimer en l'homme que la façon dont il fait face au savoir dont il âme »[7], et c'est de là qu'elle va avoir un inconscient, c'est-à-dire un savoir y faire avec lalangue. C'est dans cette rencontre même ratée qu'une femme peut se mettre au service de la prédication qui est le service du Un. C'est à ce moment que ça cesse de ne pas s'écrire. Mais cette écriture-là ne pourra jamais dire le tout de la jouissance qui est infinie.

Si nous reprenons cette proposition : « l'être est imprédicable », nous pouvons noter qu'elle est un premier prédicat comme le fait remarquer François Récanati. Ce qui rend cette proposition « l'être est imprédicable » fausse. Mais si elle est fausse, l'être est bien imprédicable, et donc on peut l'écrire, mais la proposition sera à nouveau fausse, cela à l'infini. Ainsi cette même proposition, « l'être est imprédicable » vient falsifier le « ne cesse pas de s'écrire » et contrarier le « ne cesse pas de ne pas s'écrire ».

Pour nous sortir de cette guerre chronique de ces passionnés de l'être que mènent les partisans du nécessaire et les partisans de l'impossible, les impérialistes contre les nihilistes par exemple, nous ne pouvons pas faire l'économie d'une prise en compte du ratage, dont il sort dans les meilleurs cas un savoir. Lequel ratage est à rechercher dans l'exercice de la parole, dont nous jouissons le plus souvent sans rien en savoir, parole entre un maître et un élève, un parent et un enfant, un homme et une femme, dont le ratage produit une écriture dont la lecture n'est possible que si on lâche les écritures antérieures, après s'en être servi.

Jamais l'homme n'a eu affaire à autant d'écritures, pour son bien-être, écritures religieuses, scientifiques, législatives, comptables..., et pourtant il sait toujours si peu y faire avec la lalangue.


[1] exposé au  séminaire de l'A.L.I. : Étude du séminaire XX de Jacques Lacan, Encore, Deuxième tour, à Paris du 26 au 29 août 2010

[2] Jacques Lacan, Encore, Leçon du 13 février 1973

[3] Jacques Lacan, Encore, Leçon du 13 mars 1973

[4] GINTZ Christine : Division, clivage, pas-toute, exposé au  séminaire de l'A.L.I. : Étude du séminaire XX de Jacques Lacan, Encore, Deuxième tour , à Paris du 26 au 29 août 2010.

[5] MAGOUDI Ali, Quand l'homme civilise le temps( Essai sur la sujétion temporelle), Editions de la découverte, Paris, 2001.

[6] Jacques LACAN, séminaire ENCORE, leçon du 12 décembre 1972.

[7] Jacques LACAN, séminaire ENCORE, leçon du 13 mars 1973.